dimanche 28 novembre 2010

My Nights and Lights


Il a neigé. Il neige encore. Malgré le froid je sors marcher. C'est qu'il fait nuit maintenant, et j'ai besoin de m'évader à l'autre bout de moi-même. Les flocons cotonneux flottent autour de moi alors que j'avance, et je sens la neige poudreuse crisser lorsqu'elle se tasse sous chacun de mes pas. Je marche ainsi pendant plus d'une heure, presque sans dévier d'une ligne droite. Et je m'arrête, et pendant quelques instants je suis des yeux l'ascension des nuages embués que j'expire, avant de regarder autour de moi. Je ne sais pas où je me trouve. Sous ce manteau blanc je n'arrive pas à discerner le moindre détail familier. Je pourrais revenir sur mes pas, mais je n'en ai pas envie. Cet endroit inconnu attire l'envie de vide et d'oubli à l'intérieur de moi.

Je m'allonge dans la neige, le dos collé à même le sol. Malgré les frissons qui me parcourent, mon coeur me chauffe. Je me laisse aller à ce bien-être, à la limite de la torpeur. Le ciel noir est piqué d'étoiles scintillantes. Les constellations d'hiver sont les seuls habitants de mon horizon. Alors que je dessine mentalement les contours du chasseur Orion, un des trois joyaux de sa ceinture se décroche, tombe et finit sa course dans la neige non loin de moi dans un bruit sourd. Avant que j'aie le temps de me redresser, la deuxième et la troisième des étoiles de la ceinture d'Orion tombent également, suivies de près par la rouge Bételgeuse et la bleue Rigel. Ebahie, je scrute le ciel: d'autres étoiles vont-elles nous tomber dessus? L'éternel couple Mizar et Alcor quitte leur constellation, et le reste des étoiles de la Grande Ourse les suivent. Puis c'est au tour de Cassiopée et de Persée, et la chute des étoiles s'accélère. Elles tombent elles tombent, et elles atterrissent tout autour de moi, dans la neige blanche.

Le ciel se vide, et bientôt l'étoile polaire, la dernière qui restait en place, suit ses soeurs. Le firmament est un monochrome noir, sans plus aucun éclat pour le rehausser. L'abîme profond qui me surplombe m'emplit de terreur. Je ferme les yeux pour le fuir, pour tenter de l'ignorer. Au bout de quelques minutes, je prend conscience d'une étrange chaleur qui m'entoure, qui me colle tant à la peau que la sueur perle de mon front et le long de mon dos. J'ouvre les yeux lentement pour voir des centaines de sphères lumineuses flottant tout autour de moi, décrivant des petits mouvements hasardeux un peu comme des poissons dans un aquarium. Les sphères sont de taille variable, certaines sont jaunes, d'autres rouges ou bleues. Toutes les étoiles sont venues reconstituer une galaxie, ici, sous mes yeux. Je lève la main pour saisir une sphère rouge orangé palpitante - serait-ce Mira? - mais elle me fuit, va se cacher derrière un petit troupeau serré de sphères naines. Lorsque je baisse le bras, elle revient lentement, comme timidement.

Au bout d'un long moment à les observer, je remarque que ma galaxie enfle et désenfle au rythme de mes respirations. Comment comprendre cette connexion entre moi et toutes les étoiles du cosmos? Je me lève et remonte mon chemin en suivant les traces de pas qui m'ont amenés dans ce lieu peut-être magique; les astres me suivent. Au fur et à mesure que j'avance, je replonge dans mes idées et oublie petit à petit ma galaxie. Je pense alors à toi, et la douleur me mange à nouveau, mon coeur est pris dans un étau, compressé au point d'imploser. Et quand la première larme coule du coin de mon oeil, ma kyrielle de soleils brûlants s'approche au plus près de moi, et le mouvement d'ensemble décrit une orbite circulaire, de plus en plus serrée, de plus en plus rapide. Les étoiles parfois entrent en collisions les unes contres les autres, se déchirent ou fusionnent. Et une à une, elles se projettent à grande vitesse sur moi, au niveau de ma poitrine, mais au lieu de me percuter violemment, elles entrent en moi comme si j'étais un fantôme, et n'en ressortent plus. Leur chaleur, leur éclat, tout a disparu en moi. De ma douleur, j'ai réussi à assombrir toutes les lumières de l'Univers.

Car mon coeur est un trou noir; qui y entre n'en sort pas. Et si je ne peux t'avoir à mes côtés, si je suis obligée de ne vivre qu'avec ton souvenir au fond de moi, je dépeuplerai le ciel nocturne pour donner à ce fragment d'image qui me reste une galaxie entière pour continuer à y vivre.

Je ne retrouvai jamais le chemin jusque chez moi, je continue encore à errer dans la neige...

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