samedi 26 mai 2012

Temps de crise


C'est un temps de crise, un temps poisse
les poètes sont attendus au tournant de l'angoisse
on ne parle plus d'amour, ni même de chagrins d'amour
non, aujourd'hui on rime sur nos vies bouffées par le cours de la bourse
les récession et la misère de nos aspirations dérisoires.

C'est la mort de l'espoir,
La posture cynique ou désabusée, c'est le choix des nouvelles Sophie.
Nous sommes des artistes amers vivant dans une époque immunisée contre le merveilleux
Les paradis sont synonymes d'artificiels, les échanges sont matériels et donc les poèmes sont devenus factuels.

L'air du temps, tu sais, c'est juste des aérosols qui te bouffent les poumons,
Le cours de la vie, tu sais, c'est juste les eaux qui charrient du poison
Le poids des mots, tu sais, c'est rien de plus qu'une consolation pour les pauvres cons.

C'est un temps de crise, un temps de poisse
Les prophètes trépassent et les banquiers croassent.
Donc toi le poète, pourquoi tu angoisse?
Tu n'as qu'à composer des slogans pour vendre de la lessive,
Ainsi tu utilise ton talent de manière constructive.
Oublie l'infini que tu soupçonnes derrière l'horizon,
concentre-toi à vendre et acheter des substituts de passions.

Va, la beauté n'existe que dans ton vide intérieur.

Mais n'est-ce pas justement quand le monde clame haut et fort qu'il est laid que l'art est là pour en panser les plaies?

Je passerais pour une illuminée, mais tant pis, je m'enflamme pour des ciels bleus
et des nuits d'été.
Je regarde les étoiles et je perds les mots des 10mille ans de civilisation qui me précèdent.
Muette, sourde, primitive jusqu'au fond de mon regard caverneux, je pointe le doigt pour dessiner des constellations,
un sourire béat collé sur ma pensée rouillée.
Ne t'y trompes pas, l'exubérance des paraboles et l'éloquence des images, c'est juste des tremplins pour savoir perdre la parole.
La poésie est un acte dont le silence est la jouissance.
Régresser, c'est ce que j'ai trouvé de mieux pour résister.

samedi 7 avril 2012

Les banalités

Les banalités. Entendues et dites des milliers de fois, sans qu'on y pense trop, sans qu'on les remette trop en question. "L'habit ne fait pas le moine", "un être manque et tout est dépeuplé", "c'est toujours les meilleurs qui partent en premier", etc. Je les trouvais ridicules; c'est encore le cas pour la majorité d'entre elles (c'est d'ailleurs d'une banalité affligeante que de trouver les banalités ridicules). Pourtant, de temps en temps, l'une d'entre elles cesse de n'être qu'un lieu commun pour devenir une synthèse si parfaite d'une situation que je vis, que j'en suis émerveillée, tout bêtement. Alors, me frappe l'évidence: une banalité, ce n'est qu'un constat concis qui n'a pu se répandre que parce qu'il s'appliquait au ressenti de millions de vies. Ce ne sont pas ces poncifs qui sont banals, ce sont nous.

Loin de m'offusquer du fait de n'être pas si unique que j'aurais pu le croire par le passé, je me sens libérée du poids d'être totalement incomprise. Je marche sur des sentiers déjà foulés des milliers de fois, et si j'imprime mes pas pour la première fois et d'une façon unique, il n'en est pas moins que le chemin a déjà été exploré et que les comptes rendus me parviennent, en écho lointain, tant dans les témoignages personnels que dans le patrimoine immatériel des banalités de l'humanité. 

Alors que je me délecte de mon conformisme, je m'évertue pourtant chaque jour à briser les chaînes qui m'y retiennent. Et e continuerai usqu'à mon dernier souffle d'être unique. Quoi de plus banal que la poursuite de la liberté?

dimanche 18 mars 2012

Au coeur des choses




Le manteau du gouverneur

Il était une fois un gouverneur qui aimait s'évader de temps en temps de ses obligations en voyageant incognito à travers le pays. Il rangeait alors son riche manteau et revêtait les guenilles usées d'un homme simple. Un jour, alors que le soleil se couchait derrière l'horizon, notre marcheur frappa à la porte d'un riche marchand de la région. Le maître de maison apparut à la porte et le voyageur lui demanda le gîte pour la nuit. Le marchand accepta, car c'était un devoir religieux d'offrir l'hospitalité aux voyageurs, mais il le fit de très mauvaise grâce et ne chercha pas à cacher son déplaisir. Il délégua à un de ses serviteurs de s'occuper de l'homme.
On installa le voyageur qu'on ignorait être le gouverneur dans un coin de la cuisine et on lui servit un bol de bouillon clair avec un quignon de pain dur pour tout repas. Puis on lui désigna pour passer la nuit un emplacement étroit sous des escaliers sur lequel on avait déroulé une paillasse si mince que la moindre aspérité du sol dur pouvait marquer la peau. Ainsi le gouverneur passa la nuit, et dès la montée du jour il repris le chemin.
Quelques mois plus tard, le gouverneur eut à repasser dans cette même ville où le marchand résidait pour arbitrer un différent entre représentants locaux. Une foule de notables accourut de toute part pour l'inviter pour la nuit. Parmi ceux-ci se trouvaient le riche marchand, qui n'hésitait pas à faire des coudes pour s'approcher au plus près du gouverneur. Le gouverneur déclara qu'il acceptait l'invitation du marchand, qui ne se sentit plus de joie d'un tel honneur.
Le soir même, on installa le gouverneur à la place d'honneur d'une somptueuse table couverte de dizaines de verres en cristal et de centaines de couverts en argent. Le premier plat arriva: une bonne vingtaine de pigeonneaux farcis. Lorsque tout le monde fut servi, le gouverneur fit une chose étrange: il ne porta pas la nourriture à sa bouche mais la déversa par cuillerées entières sur le manteau qu'il portait, son somptueux manteau de gouverneur. Les convives furent choqués par l'étrangeté de la scène, mais personne ne dit mot.
Puis on amena le deuxième plat: une bonne vingtaine d'oies rôties. Lorsque tout le monde fut servi, de nouveau le gouverneur déversa la nourriture sur son manteau. Il en fut de même lorsqu'on apporta le troisième plat - une vingtaine de moutons grillés – et la bonne vingtaine de différents desserts qui suivirent.
Au moment du coucher, on installa le gouverneur dans une belle chambre avec un beau lit au matelas rembourré de plumes de colombes. Au milieu de la nuit pourtant, la gouvernante réveilla en panique le maître de maison. Elle l'emmena jusque sous les escaliers, où dormait le gouverneur, installé sur la mince paillasse. Stupéfait, le marchand réveilla le gouverneur.
« Votre Excellence, que faites-vous ici sous l'escalier alors que nous vous avons mis à disposition une chambre. Celle-ci ne serait-elle pas à votre goût?, demanda le marchand.
- Au contraire, mon cher ami, c'est une bien belle chambre. Seulement, je n'oserais dormir dans un lit qui ne me fut pas offert, ni voler un lit à celui à qui il a été offert, répondit le gouverneur.
- Mais que racontez-vous, votre Excellence? Nous vous avons bien offert ce lit.
- Non, vous ne m'avez pas offert ce lit. Il y a quelques mois, je suis venu ici presque nu, et on m'offrit un bouillon clair pour dîner et cette paillasse pour dormir; aujourd'hui, je suis vêtu d'un manteau, et on m'offre un splendide dîner et un lit douillet. J'en conclus que ces honneurs ne furent pas faits à ma personne mais à mon manteau. »

Sur ce, le gouverneur se recoucha en tournant le dos au marchand. Celui-ci se retira et avant de regagner sa propre chambre, il passa par celle qu'il avait offerte à son invité: sur le lit rembourré de plumes de colombes était posé le manteau du gouverneur.

lundi 12 mars 2012

Le soleil est revenu

Le soleil est revenu. L'hiver recule et ma période de retrait touche à sa fin. C'est qu'en hiver, j'use et abuse de l'excuse du froid pour m'isoler. Mes amis me disent anti-sociale, je ne réponds pas aux appels, ils me font des gentils reproches. Je les comprends, j'en ai honte. Mais je ne sais pas trop être autrement. Alors quand il fait beau et que les invitations sont plus nombreuses, je me fais violence.

Pourtant dieu sait que j'aime mon entourage, dieu sait que leur compagnie est agréable. C'est juste que la plupart du temps, faire bonne figure auprès de ceux qu'on aime absorbe tant d'énergie. Mon coeur me donne l'impression d'être décroché de la conversation, ma tête de dériver loin, mon mal-être de flotter au-dessus de moi. Quand je leur souris, c'est une petite imposture; je leur fais croire que mes rires sont authentiques, je ne pense pas qu'ils soient dupes.

Le soleil est revenu. Cette année encore je vais essayer de le laisser caresser ma peau.

mardi 28 février 2012

Le premier mot

Poser le premier mot d'un texte c'est toujours le plus difficile. C'est comme chercher ses lunettes partout, puis se rendre compte qu'on les avait sur la tête depuis le début. En ce qui me concerne, tant que je n'ai pas ce premier mot, je n'ai pas d'histoire. Je suis incapable de préméditer un texte, je suis obligée d'attendre l'incipit pour savoir de quoi il en retournera.

Alors j'ai essayé d'inverser la tendance, plusieurs fois: puisque l'histoire naît du premier mot, pourquoi ne pas poser un mot au hasard et ensuite voir quelle histoire peut en sortir? Cela n'a jamais marché. Encore faut-il poser le bon mot, au bon moment.

J'en suis donc arrivée à la conclusion logique que le premier mot n'est que la première conscientisation de l'histoire, déjà toute faite à l'intérieur de moi. En ai-je des milliers d'hstoires, comme ça, qui attendent à l'intérieur de moi? Comment leur suggérer de quitter mon giron pour s'imprimer sur le monde? Il est vrai que la plupart du temps, je sens que des dizaines de choses grouillent juste sous mon épiderme; ça gratte, ça pique, un peu comme un éternuement qui tarde à venir.

Le dernier mot, c'est autre chose, mais ça, j'en aprlerai une autre fois.