vendredi 18 avril 2008

Dark Shines and Light Shadows

Besoin d'écrire, de mettre des mots... sur des images, des concepts, des moments.

L'envie d'écrire, pour l'écriture, plus que pour relater des faits. A l'instant précis où mes doigts tapent sur le clavier d'ailleurs je ne suis pas capable de voir plus loin que la fin de la phrase en cours; la suivante n'existe pas encore, la précédente est déjà passée. Succession d'instants déconnectés qui forment une durée cohérente: une minute, un jour, une semaine. Durée cohérente mais non forcément linéaire...c'est ce qui m'a toujours fascinée à propos de l'écriture: on peut distordre, contracter et étirer le temps à sa guise. Alors que dans le monde réel chaque minute est soeur jumelle de n'importe quelle autre et qu'elles s'enchaînent avec une prévisibilité monotone, dans le monde des mots elle peut prendre la place de tout un récit, elle peut être écrasée par les autres, et on peut sauter d'une époque à une autre en un battement de cils. La même remarque sied bien évidemment à l'espace: la plume (ou le clavier!) permet d'effectuer des bonds erratiques d'un lieu à un autre.

Doit-on dire quelque chose lorsqu'on écrit quelque chose? Plus précisément doit on construire un sens, dans le but que le texte soit compréhensible par un tiers? Bien entendu cette question a été posée et re-posée bien avant que je ne la formule ici, et je ne serai pas celle qui y apporterai la réponse la plus pertinente. Il est pourtant évident que si l'écriture n'a pas nécessairement pour vocation d'être compréhensible, les textes publiés obeissent généralement à cette loi. Le besoin d'écrire, le besoin d'être compris. En premier lieu par soi-même. Jeter un regard sur soi-même et projetter une image, mais comme par le biais d'une glace déformante, le temps et l'espace n'étant plus ce qu'ils sont dans le monde réel, prenant les étranges proportions de mon imagination comme je l'ai évoqué plus haut. Une fausse image? Oui, celle que je veux me donner, consciemment ou non.

Ecrire, c'est mentir.

Il est pourtant étonnant de constater que de tous temps et en tous lieux, l'activité littéraire (et plus largement l'activité artistique), est souvent décrite comme étant celle qui donne leur réelle dimension aux choses, car elle permet de dépasser le simple fait et de mener une analyse, un décryptage. Mais il ne s'agit là que de l'habillage d'une vérité nue par un regard humain, non? Un voile mal ajusté. Le mensonge de nos mots n'est souvent d'ailleurs que l'écho brut de l'imperfection de nos sens. Nous ne percevons qu'une infime partie du monde et nous n'en comprenons qu'une partie encore plus infime. Belle prétention dès lors que d'imaginer comprendre le monde, et par la même se comprendre soi-même, au travers des phrases que l'on jette sur un papier (ou tout autre support)! Ce besoin de se comprendre en s'écrivant est un leurre, et on ne peut donc pas attendre des autres qu'ils nous comprennent. Un leurre mais une idée séduisante tout de même. Une idée qui m'a séduite en tout cas.

L'obscurité m'a toujours été plus inspiratrice pour l'écriture que la lumière du jour... jusqu'à la plupart de mes récits se déroulent dans la nuit, l'ombre ou la pénombre, pleines de vie: Dark Shines. Je suis une piètre romancière car je ne finis pratiquement jamais mes ébauches mais sans doute sommes nous nombreux dans ce cas. C'est juste que depuis ma cachette d'ombre je n'arrive pas à voir les autres. De toutes les obscurités celle qui précède l'aube est celle qui m'est le plus agréable. Le calme est généralement si profond que les objets prennent un contour plus net dans mon esprit, et j'entends si distinctement le crayon gratter le papier que je me sentirais pour peu seule au monde. Je peux alors réinventer le monde justement selon ma fantaisie, lui donner des traits particuliers qu'il n'a pas à la lumière du jour. Car quand le soleil se lève tout réapparaît selon la forme propre que lui donnent les rayons de l'astre du jour et qui s'impose à nous, et contre laquelle on ne peut rien. On ne peut même plus mentir sur la seule chose qui nous appartienne réellement, nous-mêmes. L'image fantasmée se délite. L'inspiration ne sert plus à rien dans la clarté, on ne peut inventer ou ré-inventer ce qui crie son existence de façon si crue: Light Shadows.

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