jeudi 9 décembre 2010

Lumière de ville


A une époque, aujourd'hui révolue, la contemplation des étoiles suffisait à mon bonheur. Je voyageais sur les vagues célestes de mon esprit pour me retrouver là, dans le coeur de toute chose, à toucher les infinis du bout des doigts. Les années ont passé, et je ne savais plus être heureuse. Je ne levais plus les yeux au ciel; j'avais perdu l'accès à mon jardin stellaire, et le voir s'étaler sur sa demi-sphère, inchangé comme indifférent à ma souffrance, m'était insupportable.

Il est étrange de constater que lorsque nous baignons encore dans l'insouciance des jeunes âges de nos vies, le bonheur est un état si instinctif, si simple, que nous ne pensons jamais à en décortiquer le fonctionnement, à tenter de se souvenir du chemin qui y mène. Et lorsque la première perte arrive, étape inévitable des existences, nous nous retrouvons désemparés, nous arborons cet air hébété des victimes des catastrophes naturelles inattendues, dont la maison a été balayée en un instant, réduisant à néant le point d'encrage des destins qu'elle abritait.

Nous ne sentons plus jamais l'odeur du premier paradis perdu, aussi fort que nous essayons. Les lignes écrites sur cette quête, mises bout à bout, pourraient faire le tour du système solaire. L'absolu ne meurt qu'une fois. Pâles substituts, l'art, l'amour et l'expérience de vie viennent pauvrement consoler nos coeurs endeuillés. Nous nous dupons parfois à croire que nous avons réussi à découvrir d'autres Eden qui égalent en félicité celui d'origine. Pendant de bref instants nous croyons vraiment à ce mensonge, mécanisme de défense instinctif et salutaire.

Et c'est parce que l'espace d'une seconde je réussis à confondre les lumières des villes piégées dans le boîtier de mon appareil avec de véritables étoiles, que je les aime, et que je passe mes nuits à les chasser.

Aucun commentaire: