Depuis que je t'aime, depuis que tu m'aimes, depuis que nous formons un, je ne sais plus écrire sur l'amour. J'ai parcouru mes anciennes pages, celles en papier et celles en pixels: je dois me rendre à l'évidence, je ne sais produire du texte amoureux que lorsque je parle de perte, de déchirure, de regrets.
Je ne sais pas écrire l'amour heureux.
Pourquoi ce goût pour les larmes et ce blocage face au bonheur? Le désespoir est-il donc une drogue servant de tremplin à la création artistique? Ce n'est pas une découverte, les plus sublimes chants d'amour sont aussi les plus tristes. Mais quand même. J'aimerais savoir traduire nos si précieux sentiments en quelque chose qui ne ressemblerait pas simplement à une niaise lettre d'amour de collégienne.
Or c'est cela précisément: je ne me sens pas différente d'une adolescente dans la naissance de ses premiers émois et la découverte de ses premiers flirts; je n'ai pas envie de me mettre à produire de la prose naïvement fleur bleu. Au fur et à mesure que je t'apprends, j'ai l'impression de me baigner dans un océan d'eau douce et parfumée, qui me laisse un agréable goût sucré sur le palais à chaque fois que je bois la tasse, voilà le genre de choses qui sortent de ma plume quand je pense à toi.
Sentencieusement, je pourrais dire que si atteindre le bonheur, c'est aussi troquer le goût d'écrire contre celui de vivre, j'ai tout tout gagné. C'est vrai. Mais il reste ce quelque chose de moi, un peu rugueux un peu déchiré, qui me demande de ne pas l'oublier au fond de nos nuits de miel. Je n'ai pas envie de la sourde oreille, j'ai envie de prendre soin de ma part mélancolique avec mes mots.
Mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui, je vis.