tag:blogger.com,1999:blog-70347346082741201152024-02-07T10:18:22.638+01:00Dark Shines and Light ShadowsOù fictions, poèmes et réflexions se côtoient et se bousculent, souvent avec une image comme point d'accroche.Ineshttp://www.blogger.com/profile/14197345875144048395noreply@blogger.comBlogger65125tag:blogger.com,1999:blog-7034734608274120115.post-19201223747593412332013-08-02T15:50:00.001+02:002013-08-02T20:44:50.262+02:00<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<div style="text-align: justify;">
Depuis que je t'aime, depuis que tu m'aimes, depuis que nous formons un, je ne sais plus écrire sur l'amour. J'ai parcouru mes anciennes pages, celles en papier et celles en pixels: je dois me rendre à l'évidence, je ne sais produire du texte amoureux que lorsque je parle de perte, de déchirure, de regrets. </div>
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<br /></div>
</div>
<div>
<div style="text-align: justify;">
Je ne sais pas écrire l'amour heureux. </div>
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<br /></div>
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Pourquoi ce goût pour les larmes et ce blocage face au bonheur? Le désespoir est-il donc une drogue servant de tremplin à la création artistique? Ce n'est pas une découverte, les plus sublimes chants d'amour sont aussi les plus tristes. Mais quand même. J'aimerais savoir traduire nos si précieux sentiments en quelque chose qui ne ressemblerait pas simplement à une niaise lettre d'amour de collégienne. </div>
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<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
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Or c'est cela précisément: je ne me sens pas différente d'une adolescente dans la naissance de ses premiers émois et la découverte de ses premiers flirts; je n'ai pas envie de me mettre à produire de la prose naïvement fleur bleu. Au fur et à mesure que je t'apprends, j'ai l'impression de me baigner dans un océan d'eau douce et parfumée, qui me laisse un agréable goût sucré sur le palais à chaque fois que je bois la tasse, voilà le genre de choses qui sortent de ma plume quand je pense à toi.</div>
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<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
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Sentencieusement, je pourrais dire que si atteindre le bonheur, c'est aussi troquer le goût d'écrire contre celui de vivre, j'ai tout tout gagné. C'est vrai. Mais il reste ce quelque chose de moi, un peu rugueux un peu déchiré, qui me demande de ne pas l'oublier au fond de nos nuits de miel. Je n'ai pas envie de la sourde oreille, j'ai envie de prendre soin de ma part mélancolique avec mes mots. </div>
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<br /></div>
</div>
<div>
<div style="text-align: justify;">
Mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui, je vis.</div>
</div>
<div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
</div>
</div>
Ineshttp://www.blogger.com/profile/14197345875144048395noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-7034734608274120115.post-33559514898370414832012-05-26T13:51:00.002+02:002012-05-26T13:51:59.708+02:00Temps de crise<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<br />
<div style="margin-bottom: 0cm;">
C'est un temps de crise, un temps
poisse</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
les poètes sont attendus au tournant
de l'angoisse</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
on ne parle plus d'amour, ni même de
chagrins d'amour</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
non, aujourd'hui on rime sur nos vies
bouffées par le cours de la bourse</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
les récession et la misère de nos
aspirations dérisoires.</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
C'est la mort de l'espoir,</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
La posture cynique ou désabusée,
c'est le choix des nouvelles Sophie.</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Nous sommes des artistes amers vivant
dans une époque immunisée contre le merveilleux</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Les paradis sont synonymes
d'artificiels, les échanges sont matériels et donc les poèmes sont
devenus factuels.</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
L'air du temps, tu sais, c'est juste
des aérosols qui te bouffent les poumons,</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Le cours de la vie, tu sais, c'est
juste les eaux qui charrient du poison</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Le poids des mots, tu sais, c'est rien
de plus qu'une consolation pour les pauvres cons.</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
C'est un temps de crise, un temps de
poisse</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Les prophètes trépassent et les
banquiers croassent.</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Donc toi le poète, pourquoi tu
angoisse?</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Tu n'as qu'à composer des slogans pour
vendre de la lessive,</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Ainsi tu utilise ton talent de manière
constructive.</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Oublie l'infini que tu soupçonnes
derrière l'horizon,
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
concentre-toi à vendre et acheter des
substituts de passions.</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Va, la beauté n'existe que dans ton
vide intérieur.</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Mais n'est-ce pas justement quand le
monde clame haut et fort qu'il est laid que l'art est là pour en
panser les plaies?</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Je passerais pour une illuminée, mais
tant pis, je m'enflamme pour des ciels bleus</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
et des nuits d'été.</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Je regarde les étoiles et je perds les
mots des 10mille ans de civilisation qui me précèdent.</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Muette, sourde, primitive jusqu'au fond
de mon regard caverneux, je pointe le doigt pour dessiner des
constellations,
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
un sourire béat collé sur ma pensée
rouillée.</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Ne t'y trompes pas, l'exubérance des
paraboles et l'éloquence des images, c'est juste des tremplins pour
savoir perdre la parole.</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
La poésie est un acte dont le silence
est la jouissance.</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
Régresser, c'est ce que j'ai trouvé
de mieux pour résister.</div>
</div>Ineshttp://www.blogger.com/profile/14197345875144048395noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-7034734608274120115.post-54955185940152883762012-04-07T14:00:00.001+02:002012-04-07T14:00:38.061+02:00Les banalités<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<div style="text-align: justify;">
Les banalités. Entendues et dites des milliers de fois, sans qu'on y pense trop, sans qu'on les remette trop en question. "<i>L'habit ne fait pas le moine</i>", "<i>un être manque et tout est dépeuplé</i>", "<i>c'est toujours les meilleurs qui partent en premier</i>", etc. Je les trouvais ridicules; c'est encore le cas pour la majorité d'entre elles (c'est d'ailleurs d'une banalité affligeante que de trouver les banalités ridicules). Pourtant, de temps en temps, l'une d'entre elles cesse de n'être qu'un lieu commun pour devenir une synthèse si parfaite d'une situation que je vis, que j'en suis émerveillée, tout bêtement. Alors, me frappe l'évidence: une banalité, ce n'est qu'un constat concis qui n'a pu se répandre que parce qu'il s'appliquait au ressenti de millions de vies. Ce ne sont pas ces poncifs qui sont banals, ce sont nous.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Loin de m'offusquer du fait de n'être pas si unique que j'aurais pu le croire par le passé, je me sens libérée du poids d'être totalement incomprise. Je marche sur des sentiers déjà foulés des milliers de fois, et si j'imprime mes pas pour la première fois et d'une façon unique, il n'en est pas moins que le chemin a déjà été exploré et que les comptes rendus me parviennent, en écho lointain, tant dans les témoignages personnels que dans le patrimoine immatériel des banalités de l'humanité. </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Alors que je me délecte de mon conformisme, je m'évertue pourtant chaque jour à briser les chaînes qui m'y retiennent. Et e continuerai usqu'à mon dernier souffle d'être unique. Quoi de plus banal que la poursuite de la liberté?</div>
<br /></div>Ineshttp://www.blogger.com/profile/14197345875144048395noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-7034734608274120115.post-76681381101490083952012-03-18T12:28:00.002+01:002012-03-18T12:43:19.964+01:00Au coeur des choses<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on"><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjzr8v9BltZztg1Zct3ImG4v_jEexrCaVt6mzds0mRmsJA0vU4TfYeLWiy7Cpy2BrP7-J3Y8sm8aCA7qUkgAfVEpaken4U2XR8Pa5UWa719VuSUhebnKMyVe3CEfT6w4bvFlc_x0GenniSo/s1600/tunisie+263.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="213" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjzr8v9BltZztg1Zct3ImG4v_jEexrCaVt6mzds0mRmsJA0vU4TfYeLWiy7Cpy2BrP7-J3Y8sm8aCA7qUkgAfVEpaken4U2XR8Pa5UWa719VuSUhebnKMyVe3CEfT6w4bvFlc_x0GenniSo/s320/tunisie+263.JPG" width="320" /></a></div><br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhQgbJACxLTOWQ3JRQm-eTPvze3Z9vF7C1HQ86QpTnrz2Ey2VPWBhnXhSnUT-sQU-h4Ss3H1lo6uZpSc4MEVG7MCE9c40lXDi9aY89AhOQaFf4W85ivfvdkW_JJyRfF459GB2RRM_5F2dbI/s1600/amsterdam+538.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="213" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhQgbJACxLTOWQ3JRQm-eTPvze3Z9vF7C1HQ86QpTnrz2Ey2VPWBhnXhSnUT-sQU-h4Ss3H1lo6uZpSc4MEVG7MCE9c40lXDi9aY89AhOQaFf4W85ivfvdkW_JJyRfF459GB2RRM_5F2dbI/s320/amsterdam+538.JPG" width="320" /></a></div><br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg-KBszg5TyRI6ab8qRF51141ksTX-el99OVsLSdDH3cYtcAeZr5aDWv5KaNzfcCSVLi1Qix7BH5CMHJkCxYpJU1-GfRwLpecreacFOj9JVzTa3Nx1EtvJQlicHfO_ZTU7KzK9xilvh7PI-/s1600/tunisie+006.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="213" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg-KBszg5TyRI6ab8qRF51141ksTX-el99OVsLSdDH3cYtcAeZr5aDWv5KaNzfcCSVLi1Qix7BH5CMHJkCxYpJU1-GfRwLpecreacFOj9JVzTa3Nx1EtvJQlicHfO_ZTU7KzK9xilvh7PI-/s320/tunisie+006.JPG" width="320" /></a></div><br />
</div>Ineshttp://www.blogger.com/profile/14197345875144048395noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-7034734608274120115.post-62667837561344730982012-03-18T12:19:00.002+01:002012-03-18T12:21:25.959+01:00Le manteau du gouverneur<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on"><div style="text-align: justify;">Il était une fois un gouverneur qui aimait s'évader de temps en temps de ses obligations en voyageant incognito à travers le pays. Il rangeait alors son riche manteau et revêtait les guenilles usées d'un homme simple. Un jour, alors que le soleil se couchait derrière l'horizon, notre marcheur frappa à la porte d'un riche marchand de la région. Le maître de maison apparut à la porte et le voyageur lui demanda le gîte pour la nuit. Le marchand accepta, car c'était un devoir religieux d'offrir l'hospitalité aux voyageurs, mais il le fit de très mauvaise grâce et ne chercha pas à cacher son déplaisir. Il délégua à un de ses serviteurs de s'occuper de l'homme.</div><div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-align: justify; text-decoration: none; text-indent: 0.49cm;">On installa le voyageur qu'on ignorait être le gouverneur dans un coin de la cuisine et on lui servit un bol de bouillon clair avec un quignon de pain dur pour tout repas. Puis on lui désigna pour passer la nuit un emplacement étroit sous des escaliers sur lequel on avait déroulé une paillasse si mince que la moindre aspérité du sol dur pouvait marquer la peau. Ainsi le gouverneur passa la nuit, et dès la montée du jour il repris le chemin.</div><div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-align: justify; text-decoration: none; text-indent: 0.49cm;">Quelques mois plus tard, le gouverneur eut à repasser dans cette même ville où le marchand résidait pour arbitrer un différent entre représentants locaux. Une foule de notables accourut de toute part pour l'inviter pour la nuit. Parmi ceux-ci se trouvaient le riche marchand, qui n'hésitait pas à faire des coudes pour s'approcher au plus près du gouverneur. Le gouverneur déclara qu'il acceptait l'invitation du marchand, qui ne se sentit plus de joie d'un tel honneur.</div><div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-align: justify; text-decoration: none; text-indent: 0.49cm;">Le soir même, on installa le gouverneur à la place d'honneur d'une somptueuse table couverte de dizaines de verres en cristal et de centaines de couverts en argent. Le premier plat arriva: une bonne vingtaine de pigeonneaux farcis. Lorsque tout le monde fut servi, le gouverneur fit une chose étrange: il ne porta pas la nourriture à sa bouche mais la déversa par cuillerées entières sur le manteau qu'il portait, son somptueux manteau de gouverneur. Les convives furent choqués par l'étrangeté de la scène, mais personne ne dit mot.</div><div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-align: justify; text-decoration: none; text-indent: 0.49cm;">Puis on amena le deuxième plat: une bonne vingtaine d'oies rôties. Lorsque tout le monde fut servi, de nouveau le gouverneur déversa la nourriture sur son manteau. Il en fut de même lorsqu'on apporta le troisième plat - une vingtaine de moutons grillés – et la bonne vingtaine de différents desserts qui suivirent.</div><div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-align: justify; text-decoration: none; text-indent: 0.49cm;">Au moment du coucher, on installa le gouverneur dans une belle chambre avec un beau lit au matelas rembourré de plumes de colombes. Au milieu de la nuit pourtant, la gouvernante réveilla en panique le maître de maison. Elle l'emmena jusque sous les escaliers, où dormait le gouverneur, installé sur la mince paillasse. Stupéfait, le marchand réveilla le gouverneur.</div><div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-align: justify; text-decoration: none; text-indent: 0.49cm;">« Votre Excellence, que faites-vous ici sous l'escalier alors que nous vous avons mis à disposition une chambre. Celle-ci ne serait-elle pas à votre goût?, demanda le marchand.</div><div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-align: justify; text-decoration: none;">- Au contraire, mon cher ami, c'est une bien belle chambre. Seulement, je n'oserais dormir dans un lit qui ne me fut pas offert, ni voler un lit à celui à qui il a été offert, répondit le gouverneur. </div><div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-align: justify; text-decoration: none;">- Mais que racontez-vous, votre Excellence? Nous vous avons bien offert ce lit.</div><div style="text-align: justify;">- Non, vous ne m'avez pas offert ce lit. Il y a quelques mois, je suis venu ici presque nu, et on m'offrit un bouillon clair pour dîner et cette paillasse pour dormir; aujourd'hui, je suis vêtu d'un manteau, et on m'offre un splendide dîner et un lit douillet. J'en conclus que ces honneurs ne furent pas faits à ma personne mais à mon manteau. »</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-align: justify; text-decoration: none; text-indent: 0.49cm;">Sur ce, le gouverneur se recoucha en tournant le dos au marchand. Celui-ci se retira et avant de regagner sa propre chambre, il passa par celle qu'il avait offerte à son invité: sur le lit rembourré de plumes de colombes était posé le manteau du gouverneur.</div></div>Ineshttp://www.blogger.com/profile/14197345875144048395noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-7034734608274120115.post-66639119111533768182012-03-12T10:15:00.001+01:002012-03-12T10:15:50.753+01:00Le soleil est revenu<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">Le soleil est revenu. L'hiver recule et ma période de retrait touche à sa fin. C'est qu'en hiver, j'use et abuse de l'excuse du froid pour m'isoler. Mes amis me disent anti-sociale, je ne réponds pas aux appels, ils me font des gentils reproches. Je les comprends, j'en ai honte. Mais je ne sais pas trop être autrement. Alors quand il fait beau et que les invitations sont plus nombreuses, je me fais violence.<br />
<br />
Pourtant dieu sait que j'aime mon entourage, dieu sait que leur compagnie est agréable. C'est juste que la plupart du temps, faire bonne figure auprès de ceux qu'on aime absorbe tant d'énergie. Mon coeur me donne l'impression d'être décroché de la conversation, ma tête de dériver loin, mon mal-être de flotter au-dessus de moi. Quand je leur souris, c'est une petite imposture; je leur fais croire que mes rires sont authentiques, je ne pense pas qu'ils soient dupes.<br />
<br />
Le soleil est revenu. Cette année encore je vais essayer de le laisser caresser ma peau.</div>Ineshttp://www.blogger.com/profile/14197345875144048395noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-7034734608274120115.post-28301056202241051322012-02-28T20:29:00.000+01:002012-02-28T20:29:36.896+01:00Le premier mot<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">Poser le premier mot d'un texte c'est toujours le plus difficile. C'est comme chercher ses lunettes partout, puis se rendre compte qu'on les avait sur la tête depuis le début. En ce qui me concerne, tant que je n'ai pas ce premier mot, je n'ai pas d'histoire. Je suis incapable de préméditer un texte, je suis obligée d'attendre l'incipit pour savoir de quoi il en retournera.<br />
<br />
Alors j'ai essayé d'inverser la tendance, plusieurs fois: puisque l'histoire naît du premier mot, pourquoi ne pas poser un mot au hasard et <i>ensuite </i>voir quelle histoire peut en sortir? Cela n'a jamais marché. Encore faut-il poser le <i>bon </i>mot, au <i>bon </i>moment.<br />
<br />
J'en suis donc arrivée à la conclusion logique que le premier mot n'est que la première conscientisation de l'histoire, déjà toute faite à l'intérieur de moi. En ai-je des milliers d'hstoires, comme ça, qui attendent à l'intérieur de moi? Comment leur suggérer de quitter mon giron pour s'imprimer sur le monde? Il est vrai que la plupart du temps, je sens que des dizaines de choses grouillent juste sous mon épiderme; ça gratte, ça pique, un peu comme un éternuement qui tarde à venir.<br />
<br />
Le dernier mot, c'est autre chose, mais ça, j'en aprlerai une autre fois.</div>Ineshttp://www.blogger.com/profile/14197345875144048395noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-7034734608274120115.post-25556005505634567412011-12-21T12:55:00.000+01:002011-12-21T12:55:12.344+01:00Premières neiges, ambiance mélancolico-romantique depuis ma fenêtre<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on"><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjx-AYVtrp4OnBQb846UvAh2hi4rASWTmfWf6Bhshn-JkVaOJ1ecfHNg5mWN-9FVFviaESdbDLlEjnD1lj95nY0cdCnvOOIbUwBASdWaazuxlJ785J4Z0EkDATPp7YRHNoavXMKxE_UNkZ1/s1600/ttv+004-1.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="318" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjx-AYVtrp4OnBQb846UvAh2hi4rASWTmfWf6Bhshn-JkVaOJ1ecfHNg5mWN-9FVFviaESdbDLlEjnD1lj95nY0cdCnvOOIbUwBASdWaazuxlJ785J4Z0EkDATPp7YRHNoavXMKxE_UNkZ1/s320/ttv+004-1.JPG" width="320" /></a></div><br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgBuS5-EszGL997Sr_3KA6VnMfiiBdkeRw5TGkQv5CxpM6Ro8PczQZO4nXIP_xS0AfiiST2B3IZu4n2IJ9sh1GwydR8aw6neY32ZzTqJQND8-lI4I4PAgVW8FXNNRYs9yv_lEDYc74dlbna/s1600/ttv+019-1.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="317" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgBuS5-EszGL997Sr_3KA6VnMfiiBdkeRw5TGkQv5CxpM6Ro8PczQZO4nXIP_xS0AfiiST2B3IZu4n2IJ9sh1GwydR8aw6neY32ZzTqJQND8-lI4I4PAgVW8FXNNRYs9yv_lEDYc74dlbna/s320/ttv+019-1.JPG" width="320" /></a></div><br />
</div>Ineshttp://www.blogger.com/profile/14197345875144048395noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-7034734608274120115.post-88149068876130868362011-12-06T00:02:00.000+01:002011-12-06T00:02:12.066+01:00Ecriture libre<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on"><div style="text-align: justify;">Je ne sais pas si tu seras là au bout de la phrase. Et même si tu y étais, je ne sais pas si tu comprendrais que j'écris pour toi, si tu te reconnaîtrais. Ma demi-pudeur masque les noms, transfigure les détails trop identifiables... ma demi-exubérance (l'exubérance est-elle l'antonyme de la pudeur? Je ne crois pas, mais je ne trouve pas d'autre mot) me force somme toute à donner à la Toile au compte-gouttes des morceaux de nous.</div><div style="text-align: justify;"><i><br />
</i></div><div style="text-align: justify;"><i>Ce que j'écris fait à peine sens. Pas étonnant, puisque j'écris sans même regarder mon écran, ni même mes doigts en mouvement souple sur le clavier. Il y a une série policière à la télé, et je peine à suivre l'intrigue, mais en gros, elle me sert de point focal. De temps à autre, je reporte mon attention sur le texte et je corrige les fautes de frappe; je ne touche pas au sens ni au choix des mots. Je laisse courir les pensées; elles ont sûrement quelque chose à me dire. Pour le moment, elles vont et viennent de et vers toi.</i> </div><div style="text-align: justify;"><br />
Je peux m'obliger à reporter ma concentration sur autre chose que toi pendant quelques heures, et même pendant quelques jours; par contre je ne sais rien écrire dont tu ne sois pas l'inspiration première. Etonnant, non? Comme si à l'intérieur de moi, il n'existait rien de consistant à part toi. Mais avant toi alors? J'écrivais pourtant déjà. J'écrivais quoi? Je ne me souviens même plus. Pas que ce soit particulièrement mauvais ou faux... c'est juste que dans mes jeunes années, je n'avais même pas conscience d'écrire pour de vrai, alors je m'en débarrassais bien vite, de mes paragraphes gribouillés. Comme si en plus de capter toute ma capacité de création au moment de notre rencontre, tu m'avais révélé la première règle de l'écrivain: écrire, c'est sérieux. Même quand c'est un jeu, c'est sérieux. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Maintenant, c'est l'inverse: je garde les traces de mes écrits de manière obsessive. Ne rien perdre, ne rien oublier. Oublier, c'est tromper. </div><div style="text-align: justify;"><i><br />
</i></div><div style="text-align: justify;"><i>Voilà, "ce qui devait arriver arriva", selon la formule consacrée: j'ai été brutalement ramenée à mon écran, je suis sortie de cet état de relaxation, de laisser-aller dans lequel j'ai commencé ce texte. J'ai rompu l'élan. Dès lors que ce ne sont plus les idées libres qui guident mes doigts mais que je suis consciemment en tain de choisir mes mots, je n'"écris" plus. Je ne réagis plus à l'inspiration méta-consciente mais à l'angoisse très conscience d'écrire "bien" ou "mal". Je me demande comment "finir" le texte pour que cela ressemble à quelque chose de cohérent. Le simple fait de me poser la question m'enlève tout plaisir de continuer.</i></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Je m'arrête ici, jusqu'à la prochaine divagation. </div><br />
<br />
</div>Ineshttp://www.blogger.com/profile/14197345875144048395noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-7034734608274120115.post-7558017772033711092011-12-04T18:55:00.003+01:002011-12-13T17:04:42.178+01:00Le crime de ma mémoire<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on"><br />
Ma mémoire moribonde gît dans la poussière <br />
<div style="margin-bottom: 0cm;">Ses murmures me parviennent à peine</div><div style="margin-bottom: 0cm;">Elle m'exhorte: ne m'ignore pas, ne t'oublie pas.</div><div style="margin-bottom: 0cm;">Elle me fixe du regard accusateur des innombrables générations qui me précèdent.</div><div style="margin-bottom: 0cm;"><br />
</div><div style="margin-bottom: 0cm;">Je voudrais me souvenir.</div><div style="margin-bottom: 0cm;">Je ne me souviens pas, ou mal.</div><div style="margin-bottom: 0cm;">Je sais à peine mon nom, mais je le tais.</div><div style="margin-bottom: 0cm;">On m'a appris à être honteuse la tête haute,</div><div style="margin-bottom: 0cm;">A croire aux mystifications plus qu'à mes interrogations.</div><div style="margin-bottom: 0cm;"><br />
</div><div style="margin-bottom: 0cm;">On m'a appris que j'étais romaine, phénicienne, orientale ou vandale</div><div style="margin-bottom: 0cm;">et j'ai aquiescé, j'ai nié mon africanité</div><div style="margin-bottom: 0cm;">Je l'ai pietinée et regardé les autres la maltraiter</div><div style="margin-bottom: 0cm;">Au point d'être devenue complice</div><div style="margin-bottom: 0cm;">du crime de ma mémoire</div><div style="margin-bottom: 0cm;"><br />
</div><div style="margin-bottom: 0cm;">J'ai laissé s'ouvrir un abîme sous mes pieds,</div><div style="margin-bottom: 0cm;">J'ai laissé mes légendes sombrer</div><div style="margin-bottom: 0cm;">J'ai perdu mes rêves de grandeur</div><div style="margin-bottom: 0cm;">Je les ai remplacé par la sagesse du vaincu.</div><div style="margin-bottom: 0cm;"><br />
</div><div style="margin-bottom: 0cm;">Cela ne me suffit plus.</div><div style="margin-bottom: 0cm;"><br />
</div><div style="margin-bottom: 0cm;">Aujourd'hui, j'ai décidé d'arrêter d'être l'autre</div><div style="margin-bottom: 0cm;">De retourner en arrière pour faire marche avant</div><div style="margin-bottom: 0cm;">De faire revivre mes ancêtres, de lever haut leur étendard.</div><div style="margin-bottom: 0cm;">Et tant pis si je marche seule sur le chemin escarpé de mon histoire</div><div style="margin-bottom: 0cm;">Tant pis si tu ne comprends pas la reconquête de ma mémoire</div><div style="margin-bottom: 0cm;">Tant pis si je change, si je ne suis plus la docile affranchie de tes souvenirs</div><div style="margin-bottom: 0cm;"><br />
</div><div style="margin-bottom: 0cm;">Je me redresse, ma voix porte et se conjugue à celle de Dihya la berbere</div><div style="margin-bottom: 0cm;">Mon front aux couleurs noires de Kemet la terre-mère</div><div style="margin-bottom: 0cm;">Mes poings serrés à hauteur de ma colère </div><div style="margin-bottom: 0cm;"><br />
</div><div style="margin-bottom: 0cm;">Non, je ne serais plus complice</div><div style="margin-bottom: 0cm;">du crime de ma mémoire</div></div>Ineshttp://www.blogger.com/profile/14197345875144048395noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-7034734608274120115.post-84516662128673990842011-10-16T23:36:00.001+02:002011-10-16T23:53:17.839+02:00Le vétéran égyptien<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on"><div style="text-align: justify;">Samir, il n'a plus que la peau sur les os. Avec sa longue silhouette recourbée et sa gestuelle gauche, il a un air étrange d'adolescent dégingandé, malgré les rides profondes et les cheveux gris. Et il a toujours eu ce regard, mélancolique et lointain.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">D'aussi loin que ma mémoire remonte, je n'ai jamais vu Samir sans une cigarette aux lèvres; même sur les photos, comme celle où il me porte sur ses genoux alors que je ne suis encore qu'un bébé ou cette autre en noir et blanc avec une bande de copains à un mariage. Mon père ironise souvent sur son vieil ami en disant que le tabac et le café suffisent à sa survie. Moi je pense que ce que Samir doit se dire parfois, c'est plutôt qu'ils ne suffisent pas à sa mort. S'imagine-t-il s'envoler avec les volutes de fumée?</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Plus âgé de quelques années que mon père, il n'a par contre quitté son Egypte natale qu'à peu près en même temps que lui. Alors que pour la plupart des immigrés de cette époque l'exil était une nécessité économique, Samir, lui, a surtout fuit un enfer mental dont il n'arrivait pas à se détacher. Soldat vétéran, il était resté hanté par les sévices qu'il avait subi lorsqu'il fut fait prisonnier de guerre par l'armée israélienne au cours de la Guerre des Six Jours. Et bien qu'après avoir été relâché, il revint à la vie civile et se maria, rien ne réussit à effacer le souvenir des tortures dans le désert du Sinaï. Malheureusement, traverser la Méditerranée n'avait servi à rien, son mal-être l'avait suivi.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Aujourd'hui, à Genève, Samir continue cette demi-vie de damné. Reclus dans son minuscule deux pièces la plupart du temps, il enchaîne les cigarettes et les tasses de café, parfois aussi quelques joints, en regardant Al-Jazeera ou Al-Arabiya. Il regarde ce monde arabe qu'il sent aussi usé que lui et il macère dans son amertume des illusions perdues, des idéaux de jeune soldat jamais réalisés.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Il ne répond presque jamais à son téléphone et parfois on se demande où il est, avant de tomber par hasard sur lui au coin d'une rue. Il n'a jamais réussi à garder un emploi ou à ordonner sa vie, et quand, comme toujours, il est en retard à un rendez-vous, ses amis l'excusent en disant "C'est comme ça qu'il est, c'est Samir... tu te souviens, il n'était pas comme ça, <i>avant</i>". </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">A une seule occasion nous avons vu le Samir d'autrefois refaire surface. C'était en janvier 2011. Les premiers évènements du <i>Printemps Arabe </i>avaient eu lieu en Tunisie et l'agitation commençait à se propager à l'Egypte. Samir prit le premier avion pour le Caire, et il fut l'un des premiers à tenir le pavé sur la place Tahrir. Dix-huit jours de révolte, non seulement contre cette Egypte post-coloniale qui l'avait trompé, mais aussi contre son propre destin, contre ses propre douleurs, contre sa propre mémoire. Exalté et heureux d'avoir enfin de nouveau à confronter des uniformes, des balles et des coups; étrange vieil homme qui avait le courage de braver la mort, mais pas d'affronter la vie.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Puis après le temps de la révolte, vint le temps de la politique, du retour à la vie normale, des affaires courantes à gérer. Pour Samir, tout retomba dans l'état morne qui avait été son quotidien durant les 40 dernières années. Encore une de ces batailles qu'il ne savait pas livrer.</div></div>Ineshttp://www.blogger.com/profile/14197345875144048395noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-7034734608274120115.post-69507716947282327012011-09-26T23:44:00.001+02:002011-09-27T00:42:22.561+02:00Conte berbère tunisien traditionnel - La vieille dame et le Prophète<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on"><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Ce conte nous a été raconté par ma tante lorsque nous étions enfants. Cela fait plusieurs années que ma tante est décedée (Allah ait son âme), mais je n'ai jamais oublié le conte. Je n'ai jamais entendu personne d'autre le conter, et j'ai donc eu peur qu'il tombe dans l'oubli - d'où l'idée de le transcrire (ici en français). J'encourage tous les Nord Africains à transcrire au mieux les contes traditionnels de nos régions, que ce soit en berbère, en arabe ou en une autre langue, nos belles histoires gagnent à être lues par le plus grand nombre.</div><div style="text-align: center;">********************</div><br />
<div style="text-align: center;"><b>La vieille dame et le Prophète</b></div><div style="text-align: center;"><i>conte tunisien de la région de Bizerte,</i></div><div style="text-align: center;"><i>raconté par Fatma Zaroui et transcrit par Ines El-Shikh</i></div><br />
<div style="text-align: justify;">Il était une fois une vieille femme qui vivait seule dans une vieille maison sur une colline près de la mer. Dans le village voisin, peu connaissaient encore son vrai nom, car tous l'appelaient Jeda (grand-mère) quand elle venait vendre les oeufs de ses poules et le lait de sa vache, et avec l'argent gagné faire ses courses.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">La vieille femme était une femme simple mais bonne et pieuse. Elle n'avait pas reçu d'instruction et on ne lui avait jamais appris à prier, alors elle priait toujours de la même façon, depuis toujours: elle levait les mains au ciel et elle disait:</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: center;"><i>Un panier descend, un panier monte </i></div><div style="text-align: center;"><i>Le Seigneur nourrit Ses créatures et elles le prient.</i></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Un jour, alors qu'elle était descendue de sa colline vers la mer pour ramasser les palourdes accrochées aux rochers pour son dîner, elle vit sur la plage une embarcation brisée échouée et un homme inanimé près d'elle. Elle courut vers l'étranger et vit qu'il respirait encore. Rassemblant alors toutes ses forces, elle hissa l'homme sur son dos et monta la lentement colline, au prix d'un effort surhumain. Elle l'installa confortablement chez elle et le couvrit de plusieurs peaux de moutons et alluma le feu pour réchauffer l'air et cuisiner une bonne soupe.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Plusieurs heures passèrent et l'homme se réveilla. Elle lui apporta un bol de soupe chaude qu'il avala avec appétit. Il la remercia alors de lui avoir sauvé la vie. Il lui demanda si elle pouvait l'héberger pendant un mois, car c'était le temps qui lui serait nécessaire pour réparer sa barque et reprendre le large. Elle acquiesça.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">- Qui êtes-vous et jusque où voyagez-vous? , lui demanda-t-elle.</div><div style="text-align: justify;">- Je suis le Prophète, répondit-il. Je ne sais quelle est la destination de mon voyage, je sais seulement que c'est Dieu qui m'a ordonné de partir en mer.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">La vieille dame resta sans voix. Le Prophète chez elle! Quel honneur! Très vite elle eût honte de recevoir aussi chichement l'Envoyé de Dieu et se leva aiguiser un couteau pour égorger sa vache afin de pouvoir lui offrir un repas de qualité. Le Prophète insista pour qu'elle n'en fasse rien. Néanmoins, il fût très touché par la générosité et l'hospitalité de la vieille dame et il voulu la remercier sans savoir comment. Il lui demanda alors quelle était la chose qu'elle désirait le plus, afin de pouvoir intercéder pour elle auprès de Dieu Lui-même:</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">- Ô Envoyé de Dieu, pouvez-vous m'apprendre la façon correcte de prier?</div><div style="text-align: justify;">- Bien entendu, je vous montrerai comment je prie et vous suivrez mon exemple.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Pendant un mois entier, le Prophète et la vieille dame prièrent ensemble plusieurs fois par jour. Il lui montra et re-montra les gestes et les paroles, jusqu'à ce qu'elle les connaisse parfaitement par coeur. Au bout d'un mois, le Prophète avait fini de réparer sa barque et il voulu reprendre la mer. La vieille femme lui prépara un panier de provisions et l'accompagna sur la plage. Il poussa son embarcation dans l'eau et monta à son bord. Alors que les vagues l'emportaient au large, la vielle dame voulut faire une prière pour demander à Dieu de le protéger des dangers de la mer, mais elle se rendit compte qu'elle avait complètement oublié ses enseignements sur la prière!</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">- Envoyé de Dieu!, lui cria-t-elle. J'ai oublié comment prier!</div><div style="text-align: justify;">- Ce n'est pas grave!, lui répondit-il en criant par delà les vagues, alors qu'il disparaissait à l'horizon. Priez comme vous en avez l'habitude et Dieu vous écoutera!</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Et jusqu'à la fin de ses jours la vieille dame continua à prier comme elle en avait l'habitude, car elle savait que même si ses mots étaient simples, le Seigneur voyait à l'intérieur de son coeur l'immensité de sa foi:</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: center;"><i>Un panier descend, un panier monte,</i></div><div style="text-align: center;"><i>Le Seigneur nourrit Ses créatures et elles le prient.</i></div></div>Ineshttp://www.blogger.com/profile/14197345875144048395noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-7034734608274120115.post-80974215906289281342011-06-09T09:50:00.000+02:002011-06-09T09:50:31.473+02:00La rose rouge sur canal<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on"><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgLKmR7Lb9Kv2KOcdBr7zocjXfiORKr3gXiQp5k_cymOxAXfKVz_o89AkmAwADwft8L-TgErdFJ_Xvobnm-tH1-uoo81e0G9Es1jFKlq9GdP6OUXGfXIS8nl3uKOA2yWThtTe-4gOr-8xBk/s1600/2011-06-07+amsterdam1.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="226" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgLKmR7Lb9Kv2KOcdBr7zocjXfiORKr3gXiQp5k_cymOxAXfKVz_o89AkmAwADwft8L-TgErdFJ_Xvobnm-tH1-uoo81e0G9Es1jFKlq9GdP6OUXGfXIS8nl3uKOA2yWThtTe-4gOr-8xBk/s320/2011-06-07+amsterdam1.jpg" width="320" /></a></div><br />
</div>Ineshttp://www.blogger.com/profile/14197345875144048395noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-7034734608274120115.post-55983871755217030102011-06-09T00:30:00.000+02:002011-06-09T00:30:54.971+02:00Pourquoi n'écris-je plus?<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on"><div style="text-align: justify;">Pourquoi n'écris-je plus? </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Je sais, tu vas me dire que si, j'écris toujours autant, si ce n'est plus. Tu vas me parler du travail, des billets sur l'actualité et la politique, du militantisme de-ci de-là. Je te répondrai que non. Je n'écris plus <i>pour de vrai</i>. Je ne pose plus les mains sur le clavier pour déverser les mots de mon coeur, je ne fais que me donner une contenance. J'efface les épanchements de mon âme derrière les certitudes de mes positions et l'exactitude de mes connaissances. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">A une période de ma vie, je n'avais que mes larmes pour me savoir exister, et aujourd'hui je n'ai même plus le courage de pleurer. Parce que je vais mieux, parce que je suis plus forte, parce que je suis sortie de l'abîme noir de la dépression, je n'ose plus craquer, donc je n'ose plus écrire.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Mais ce soir, je n'ai pas envie de faire semblant, j'ai envie de laisser les mots se déverser comme quand je ne savais rien d'autre qu'eux. Je veux me remettre devant la page blanche avec comme prérequis cette exquise douleur de l'abandon. J'avais perdu l'habitude, n'est-ce pas? </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Alors comme une fille seule trop longtemps qui n'est plus trop sûre de savoir comment faire pour séduire, j'essaie d'abord de tâter le terrain. Une oeillade, un sous-entendu, un rire. Je n'irai plus loin que quand l'autre aura fait un pas vers moi. L'autre? Le texte. Celui qui n'existe pas vraiment encore mais qui flotte déjà quelque part, presque à portée d'imagination.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Tu sais, je n'avais pas seulement arrêté d'écrire. J'avais aussi laissé de côté ma caméra photo. Ma fidèle Canon complice de mes meilleures prises lors de mes chasses d'instants fugaces, elle prenait la poussière - j'oublie toujours de la faire la poussière. Elle me fixait avec son oeil morne immobile et vaguement accusateur depuis l'étage où je l'avais garée en compagnie des rangées de livres non-lus. Mon calendrier "social" - n'est-ce pas la marque d'une guérison réussie que d'avoir un calendrier "social"? - me l'a remise entre les mains, et je me suis rappelée comme c'était bon.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Et Dieu que tout cela m'avait manqué.</div></div>Ineshttp://www.blogger.com/profile/14197345875144048395noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-7034734608274120115.post-9676508014566328142011-02-08T09:33:00.694+01:002011-06-17T16:39:31.013+02:00L'étrange secret de Mlle Liz<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on"><div style="text-align: justify;">"... et ne t'attend pas à recevoir ici un traitement de faveur simplement parce que tu es la nièce du directeur, <i>compris</i>?" fut la seule phrase que je compris du monologue de "bienvenue" long, confus et fastidieux de Mlle Liz. Elle me mettait mal à l'aise, avec son chignon gris à moitié avachi sur le côté de sa tête, ses yeux ronds exagérément grossis par les épais verres ovaloïdes de ses lunettes au cadre grossièrement doré, et surtout avec son odeur de vieux camembert macéré dans du café. Elle régnait sans partage depuis plus de vingt ans sur la comptabilité de la compagnie d'Oncle Hatem, et visiblement mon arrivée en tant que stagiaire la dérangeait. Bien qu'elle fut une femme fort professionnelle et entièrement dédiée à son travail, elle avait tant l'habitude d'être seule, tant au bureau que dans sa vie privée (qu'elle ne partageait qu'avec son aquarium de poissons rouges et sa collection de vieilles rancoeurs tenaces), que la seule perspective d'une personne amenée à la côtoyer quotidiennement, même pour à peine trois semaines, lui était fort contrariante. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Mlle Liz m'assigna une place assise à quelques mètres de son bureau, partit chercher rageusement sans ses papiers et revint avec un énorme classeur étiqueté "Notes de frais", d'où dépassait sur tous les côtés des centaines de post-it d'au-moins cinq couleurs différentes. Elle me donna de brèves instructions avant de retourner à sa place, tentant du mieux qu'elle put d'occulter à son esprit ma présence dans la pièce. Je commençai alors à trier comme elle me l'avait demandé les factures du classeur et à reporter sur un fichier excel tous les montants. Tâche peu passionnante mais qui eut l'avantage de me tenir assez occupée pour oublier un moment l'humeur massacrante de ma nouvelle responsable.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">A midi <i>précisément</i>, Mlle Liz, sans même tourner la tête vers moi, m'ordonna plus qu'elle me proposa de prendre ma pause déjeuner. Je bondis de mon siège et me précipitai hors du bureau, fis quelques pas dans le couloir, revins en arrière et passai la tête dans l'entrebâillement de la porte pour demander à quelle heure devais-je revenir. Mlle Liz leva les yeux sur moi, me fixa pendant dix bonnes secondes - comme si c'était la première fois qu'elle me voyait vraiment -, le visage pris dans une indéchiffrable immobilité des traits qui lui donnait un air de gargouille à lunettes, et finit enfin par dire: "13. Et ferme la porte derrière toi quand tu quittes le bureau, je n'ai pas envie de passer mon temps à faire le pendulaire entre la porte et ma chaise."<i>. </i>J'obtempérai, trop heureuse de pouvoir échapper à Mlle Liz pour l'heure qui suivait.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Au bout de quelques jours, j'avais fait assez de progrès dans l'assimilation de mes compétences comptables pour que Mlle Liz me confie des tâches de plus en plus complexes et autonomes. Je dois dire qu'elle avait, sous ses airs revêches, un réel sens pédagogique et un réel souci de me transmettre une formation de qualité. D'ailleurs, elle s'était considérablement adoucie à mon égard, allant jusqu'à se fendre parfois d'un compliment encourageant lorsque je soumettais à son évaluation le résultat de mes efforts. Je découvris néanmoins en elle la personnalité la plus rigide qu'il m'ait été donné l'occasion de connaître. Son souci de l'ordre et de la ponctualité tenait de l'obsession. Plusieurs fois par jour, elle consacrait un certain temps pour vérifier et revérifier, encore et encore, l'ordre de chaque étagère, l'adéquation de chaque classement, le contenu de chaque dossier, <i>y compris de tout ce à quoi elle n'avait même pas touché depuis sa dernière inspection. </i>Programmée comme une horloge, elle m'envoyait en pause déjeuner toujours à midi <i>précisément</i>, et me congédiait chaque soir à dix-huit heures <i>précisément, </i>elle s'accordait quotidiennement <i>précisément </i>sept tasses de café (qu'elle préparait en chauffant de l'eau dans la bouilloire électrique posée sur son bureau et la versant dans sa tasse où elle ajoutait <i>précisément </i>deux cuillères de café soluble et quatre de sucre)<i>.</i> Je ne la voyais jamais quitter son bureau, je ne la voyais jamais à la cafétéria à midi. Quand j'arrivais le matin, elle était déjà là, et quand je partais le soir, elle y restait encore.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Tout aurait pu continuer ainsi, mais bien entendu, ce ne fut pas le cas. Le vendredi de la deuxième semaine, je reçus au cours de la pause de midi l'appel de mon amie Sarah, paniquée de la tournure médiocre que prenait la rédaction de son rapport de stage. Cette conversation eut le mérite donc de m'apprendre qu'il était convenu que nous remettions à notre école un rapport de stage; je l'ignorais, tout simplement. Heureusement, j'avais suivi dès le premier jour le conseil de Mlle Liz de tenir un journal précis de mes tâches effectuées; il ne devait donc pas être encore trop difficile de rattraper mon retard. Je commençai sur-le-champ mon rapport, et pendant les heures qui suivirent je tapai sans discontinuer sur mon clavier, remplissant l'air silencieux d'une mélodie monotone de petits coups secs. Quand arriva <i>précisément </i>dix-huit heures, ma supérieure, comme à son habitude, me dit de rentrer. J'objectai poliment que je resterai plus longtemps que prévu, pour pouvoir rattraper mon retard dans la rédaction du rapport de stage. A cette réponse, ses yeux s'écarquillèrent et sa bouche s'entrouvrit comme si elle était prise de court; une fraction de seconde plus tard, ses traits avaient repris leur expression habituelle. Elle me dit alors d'un ton glacial:</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">"Il est dix-huit heures, tu <i>dois </i>rentrer. Tu écriras ton rapport lundi, j'allégerai tes tâches pour que tu puisses t'y consacrer.</div><div style="text-align: justify;">- C'est très gentil de votre part Mlle Liz. Mais ce n'est pas un problème pour moi, pas besoin de...</div><div style="text-align: justify;">- Faites ce que je vous dis. C'est l'heure de rentrer chez vous. Bonne soirée et bon week-end."</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">La discussion était donc close. Je rassemblai en vitesse mes affaires et quittai le bureau. Je croisai mon oncle Hatem dans le couloir et nous échangeâmes quelques mots; il voulait savoir comment se déroulait mon stage et si Mlle Liz m'assignait des tâches intéressantes. La sonnerie de son téléphone portable interrompit notre conversation. Il s'excusa, décrocha et regagna son bureau à reculons, me salua d'un signe de main et d'un sourire avant de fermer sa porte. Je l'entendis étouffer un juron derrière la porte: il s'était certainement encore cogné quelque part ou avait renversé quelque chose. La maladresse d'Oncle Hatem était pour ainsi dire proverbiale dans notre famille. Souriant, généreux, enthousiaste, il avait ce côté grand enfant qui faisait que personne ne lui en voulait jamais pour les innombrables catastrophes et incidents qu'il ne manquait pas de provoquer sur son passage, comme s'il avait constamment la tête dans les nuages et que sa maladresse seule pouvait le ramener brièvement sur Terre.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Ce ne fut qu'une fois dans l'ascenseur que je me rendis compte que j'avais oublié sur mon bureau mon porte-monnaie. Je remontai à mon l'étage et retraversai le couloir jusqu'à mon bureau. Je m'arrêtai un instant devant la porte, ne sachant trop si je devais frapper avant d'entrer, mon retour inattendu, même pour ne serait-ce que quelques secondes, risquant d'indisposer Mlle Liz. Je vis alors que la porte était entrouverte et je voulus jeter un coup d'oeil; si ma supérieure avait momentanément quitté la pièce, je pourrais ainsi entrer et ressortir en vitesse avant son retour. Mais si je ne pus dire que je n'avais pas en ce moment même Mlle Liz sous les yeux, je ne pus dire non plus le contraire: c'était à la fois elle et pas elle.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Le plus incongru de la vision était peut-être le fait que cette... créature... assise au bureau de la comptable faisant face à la porte, travaillait avec application à l'élaboration d'un décompte précis de la facturation de nos services, comme si de rien n'était, comme si les ailes aux noires rémiges dans son dos ne se pliaient et dépliaient pas tout doucement un peu comme on balance les pieds sous la table, un peu comme on se gratte distraitement la tête. Sa très lourde chevelure noire d'où émergeaient deux oreilles pointues tombait raide sur ses épaules et me cachait toute une partie de son visage. Elle se leva et alla chercher un classeur sur une des étagères du fond de la pièce puis vint se rasseoir, ce qui me permit d'observer premièrement son corps, élancé et athlétique (et débarrassé de tout vêtement), si différent de la silhouette avachie de Mlle Liz, et deuxièmement son visage, jeune et parfaitement proportionné, mais dont sans nul conteste les traits étaient ceux de la vieille experte comptable. N'aurait-ce été les ailes et les pieds aux sabots fendus, j'aurais pu jurer avoir été transportée trente ans en arrière, aux jour de la jeunesse de Mlle Liz.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Il allait sans dire que je n'en menais pas assez large pour faire autre chose que quitter les lieux sans récupérer mon porte-monnaie. Je passai tout le week-end en proie à une réelle terreur: comment aillais-je, dès lundi, retourner travailler comme si de rien n'était avec cette femme? Passer des journées entières enfermée dans la même pièce que ce démon? Et encore, je n'en avais plus que pour une semaine... comment pourrais-je laisser mon oncle, inconscient de cette réalité sordide, dans le voisinage permanent de cette créature? Mais comment parler à mon oncle de ce que j'avais vu sans passer pour une affabulatrice? </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Je n'avais trouvé de réponse à aucune de ces questions quand j'arrivai au travail lundi matin. Il m'en avait coûté pour effectuer chacun des pas du trajet. Mlle Liz était assise derrière son bureau, identique à la femme au look et au teint gris et passé que j'avais toujours connue. Alors que je m'installais à mon poste de travail, j'essayais de maîtriser ma peur en me répétant sans cesse que si elle avait eu des intentions menaçantes à mon encontre, elle les aurait déjà mises en application, sans parler des décennies qu'elle avait passé au service de la compagnie d'Oncle Hatem sans y faire la moindre vague. Sans y faire la moindre vague, réellement? Ou peut-être que personne n'aurait jamais pensé à lui imputer certains incidents, à voir en elle la cause unique de faits disparates et mystérieux? Une créature quasi-mythologique tiendrait-elle avec autant de professionnalisme la comptabilité d'un bureau d'ingénierie si ce n'était pour d'occultes raisons, ou encore pour se parer d'une couverture?</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">La matinée s'écoula sans incident. Je me levai machinalement à midi quand Mlle Liz me libéra pour ma pause de midi et quittai le bureau. Il me fallut moins d'une dizaine de secondes pour céder totalement et définitivement à la curiosité - je fis demi-tour: il <i>fallait </i>que je sache si elle était de nouveau sous cette étrange forme. Et également: qu'est-ce qu'elle pouvait bien manger en guise de déjeuner. Des souris vivantes? Des crapauds? Des mille-pattes?</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Après avoir vérifié que personne ne passait dans le couloir - il eût été très gênant qu'on me surprenne à espionner - je collai l'oeil à la serrure. La créature était là. Elle ne mangeait pas, elle se coiffait. Ses lèvres remuaient, comme si elle parlait ou chantait sans que le moindre son ne me parvienne. Peut-être une incantation? Un sort? Comme si la réalité n'était pas déjà assez fantaisiste, mon imagination s'emballa bien vite.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Mlle Liz-la Créature s'arrêta brusquement de se coiffer et de remuer les lèvres. Lentement, elle tourna la tête vers la porte, la bouche formant une ligne horizontale dure, les yeux plissés comme courroucés. Ses narines se dilataient et son nez se retroussait, comme si elle avait <i>senti </i>quelque chose (c'était tout moi, ça: j'avais passé les trois derniers jours à spéculer sur les pouvoirs fantastiques ou paranormaux de Mlle Liz - pour la plupart tirés des romans d'<i>Heroic Fantasy</i> dont j'étais friande - mais l'hypothèse simple d'un odorat plus développé que la moyenne ne m'avait même pas effleuré l'esprit). Elle se leva, s'approcha de la porte. J'aurais du me redresser et partir en courant, mais je restai là paralysée par la peur. La porte s'ouvrir brusquement, et avant que j'aie le temps de réagir, une main m'avait agrippée et tirée à l'intérieur de la pièce. J'entendis la porte claquer derrière moi.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">"Dis-moi un peu maintenant qu'est-ce que je vais faire de toi?, chuchota la Créature, un air apeuré peint sur le visage.</div><div style="text-align: justify;">- S'il vous plaît me faites pas de mal, je ne dirai rien! Et s'il m'arrive quelque chose mon Oncle Hatem ferait certainement le rapprochement avec vous! Je vous le jure je le dirai à personne, je ...</div><div style="text-align: justify;">- Te... faire du mal?", répéta-t-elle lentement, avec comme une déception dans la voix.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Elle me lâcha et baissa légèrement la tête. "C'est toujours comme ça, dit-elle. Parce que j'ai cet air différent, on attendra forcément de moi d'être un monstre.</div><div style="text-align: justify;">- Je m'excuse, je me voulais pas vous blesser., répondis-je, rouge de honte d'avoir attristé cette sorte de Fée Mélusine.</div><div style="text-align: justify;">- Oh tu n'y es pour rien, jeune fille. Je te demanderai juste de ne le répéter à personne. Si tu ne le fais pas pour moi, fais-le pour ton oncle.</div><div style="text-align: justify;">- Qu'a à voir mon oncle Hatem là-dedans? Il serait pas lui aussi un... une... enfin comme vous, quoi...?</div><div style="text-align: justify;">- Hatem, Non!, dit-elle avant d'éclater de rire, sa tristesse visiblement passée. Hatem un Tertullénéen?</div><div style="text-align: justify;">- Un <i>quoi</i>?</div><div style="text-align: justify;">- Un Tertullénéen. C'est un nom inventé par Hatem, ou plutôt qui lui a été inspiré par l'écrivain antique Tertullien. D'ailleurs c'est lui qui m'a inventée. Un jour, âgé d'à peine seize ans il m'a <i>rêvée</i>, puis s'est levé et m'a <i>écrite. </i>Et il y a tellement cru que j'ai fini par exister hors de son imagination. Depuis, dans le plus grand secret il a toujours pris soin de moi.</div><div style="text-align: justify;">- Et il vous cache depuis toutes ces années?</div><div style="text-align: justify;">- Oh, au début il a bien tenté de me renvoyer là d'où je viens - en écrivant mon retour parmi mon peuple, mais cela n'a jamais fonctionné. Quand on a compris que j'étais condamnée à rester ici parmi les humains, il a ensuite tenté de me créer un compagnon, mais là encore ça n'a pas fonctionné. Peut-être que l'acte créateur est si rare, demande tant d'énergie, qu'un homme doit déjà se considérer extrêmement chanceux de réussir le coup ne serait-ce qu'une fois dans sa vie. J'ai toujours senti Hatem si désolée de m'avoir amenée ici, comme s'il m'avait arrachée aux miens, mais comme je le lui répète toujours, c'est absurde, il ne m'a arrachée de nulle part si ce n'est du néant de la non-existence.</div><div style="text-align: justify;">- Et comment faites-vous pour être devant tout le monde... Mlle Liz?, lui demandai-je. </div><div style="text-align: justify;">- Je ne sais pas vraiment comment cela se passe, mais c'est la seule "correction" que Hatem a réussi à faire à mon état au cours des années. Il m'a offert une couverture en quelque sorte. Bien entendu je tente d'agir comme vous humains en votre présence pour ne pas réveiller vos soupçons.</div><div style="text-align: justify;">- Bah pour dire vrai, il y a deux-trois trucs que je pourrais vous suggérer pour agir moins... bizarrement...</div><div style="text-align: justify;">- Avec grand plaisir, dit-elle avec une sorte de sourire plein de gratitude.</div><div style="text-align: justify;">- Et... excusez-moi c'est peut-être bête comme question mais je dois vous la poser... pourquoi vous camoufler en vieille fille antipathique et plutôt laide, alors que là vous semblez tout le contraire?</div><div style="text-align: justify;">- Pour que les gens s'intéressent le moins possible à moi. Au tout début, lorsque j'apparaissais plus jeune, plus belle et que je me laissais plus aller à sympathiser avec les gens, ils venaient plus facilement vers moi, et garder le secret demandait trop de vigilance.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">La discussion continua pendant des heures. J'avais tellement de questions à poser à la Tertullénéenne Tawonga - c'était son nom. Oncle Hatem vint nous rejoindre en fin d'après-midi, très surpris en ouvrant la porte après avoir frappé trois fois deux coups (un code entre eux) de me trouver en compagnie de "sa" créature, mais très vite, il apparût très soulagé d'avoir quelqu'un avec qui partager ce secret qu'il portait depuis plus de trente ans - même sa femme, Tante Nadia, n'était au courant de rien.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Je rentrai ce soir-là chez moi fatiguée de la journée étrange que je venais de passer. Sans même me déshabiller ni dîner, je m'endormis sur le canapé du salon - je ne sentis même pas ma mère me couvrant avec un drap léger parfait pour les nuits estivales. Je rêvai de Tawonga et des autres Tertullénéens. Je voyais leur vie quotidienne, leurs disputes, leurs amours, les drames et les joies. Le rêve le plus <i>réaliste </i>que j'eus jamais fait de ma vie.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Je me levai avec une seule envie: écrire. Peut-être que je donnerai vie à un compagnon pour Tawonga? Je ne sais pas, mais en tout cas j'appris une chose ce jour-là, grâce à Oncle Hatem:<i> quand on écrit, il existe toujours une chance pour que cela déborde hors du papier.</i></div></div>Ineshttp://www.blogger.com/profile/14197345875144048395noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-7034734608274120115.post-74099629544985130982011-02-06T21:53:00.001+01:002011-02-07T01:19:30.810+01:00Te souviens-tu?<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on"><div style="text-align: justify;">Te souviens-tu de notre dernière rencontre? Te souviens-tu? Tu avais ces traits tirés des mauvais jours et j'avais dans la voix la mélancolie du passé révolu. Je croyais que nous allions nous revoir - mais nous n'avons jamais pu. Et depuis j'ai maintenu une image immobile de tes mots dans ma mémoire.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Te souviens-tu de notre première rencontre? Te souviens-tu? Tu avais dans le rire la fraîcheur d'une brise marine et j'avais le teint doré des jours insouciants. Je ne croyais pas que nous deux, ça allait durer et mourir, tuer ton coeur et broyer mes rêves. Et je me suis jetée toute entière dans ce gouffre de douceur, dont je ne soupçonnais pas le fond tapissé d'aigreur. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Te souviens-tu de la première fissure? Te souviens-tu? Tu avais posé la première brique du mur de silence et j'avais entamé au couteau de mes doutes la première fibre de la corde invisible qui nous unissait. Je ne croyais pas que nous deux, nous n'en étions qu'au début du déclin de nos innocences. Et j'ai assisté impuissante au déroulement de la plus fade des déceptions.</div><br />
</div>Ineshttp://www.blogger.com/profile/14197345875144048395noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-7034734608274120115.post-44758405191679285482011-01-24T11:43:00.002+01:002011-01-24T11:54:43.543+01:00Ma mémoire est un château de sable...<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on"><div style="text-align: justify;"><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgBTE1wNogAmA8euXjfyZ9GStYVJ2072h7D7X2lkYRuRU7fmjX7vnXcIBwFtP8UIBazdcE8U5xz5JDzf9QyZNoFnuv5qMPdHLC-Z9M7uOpolFmc_1R3vESqC8RoN-33meW7uVrDidn6h5cI/s1600/228.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="212" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgBTE1wNogAmA8euXjfyZ9GStYVJ2072h7D7X2lkYRuRU7fmjX7vnXcIBwFtP8UIBazdcE8U5xz5JDzf9QyZNoFnuv5qMPdHLC-Z9M7uOpolFmc_1R3vESqC8RoN-33meW7uVrDidn6h5cI/s320/228.JPG" width="320" /></a></div><br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Ma mémoire est un château de sable que les vagues salines successives dissolvent progressivement. Quand l'eau frappe la façade, elle en aplanit toutes les aspérités, s'infiltre par les meurtrières et creuse le centre des tours éphémères. Mes souvenirs fondent en perdant leurs couleurs et leurs détails, et bientôt, quand la marrée se retire, il ne reste qu'un chicot informe, que je ne sais plus situer dans le temps. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">L'instinct de ma survie identitaire me pousse à reconstruire, à réédifier les murailles de sable, mais je ne sais pas si tout est revenu à sa place ou non. Je ne sais jamais. Et j'attends avec angoisse la prochaine marée montante, priant qu'elle me laisse assez de moi-même. Combien de lunaisons pourrai-je vivre ainsi?</div></div>Ineshttp://www.blogger.com/profile/14197345875144048395noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-7034734608274120115.post-61013996395942616892011-01-09T02:38:00.001+01:002011-01-09T09:07:49.736+01:00L'homme qui renversa la mort<div style="text-align: justify;">Je me souviens du jour où Papa ramena Maman à la maison. Mon petit frère Nour et moi jouions dans notre chambre avec les épées en plastique qu'Oncle Fouad nous avait offert à sa dernière visite. Papa nous appela au salon et nous demanda de nous asseoir sur le canapé, de part et d'autre de Maman. Elle était immobile, tête baissée; elle n'esquissa pas le moindre mouvement quand nous chacun de nous lui sauta au cou pour l'embrasser.</div><div><div style="text-align: justify;"><br />
</div></div><div><div style="text-align: justify;">- Les garçons, commença-t-il, Maman est revenue parmi nous. </div></div><div><div style="text-align: justify;">- Papa?, intervint Nour. Je croyais que Maman était morte, tu nous avais dit que Maman était morte.</div><div style="text-align: justify;">- Oui Nour, tu as raison. Maman était morte mais j'ai pu la faire revenir. C'est mes recherches, tu sais, j'ai pu renverser sa mort pour qu'elle revive. Plus personne ne sera obligé de voir ceux qu'il aime partir sans plus jamais revenir, une fois que j'aurai publié cette découverte.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Un léger sourire détendit les traits de mon père pendant les secondes de silence qui suivirent, comme s'il revoyait en mémoire le film de sa victoire sur la fatalité. Puis il s'adressa de nouveau à nous, avec une voix réduite presque à un chuchotement, séparant bien chaque mot, comme à son habitude quand il voulait nous expliquer quelque chose d'important à retenir: "Je sais que c'était dur sans elle et que vous êtes contents de la voir à nouveau, mais il faut comprendre qu'elle a besoin de calme et de repos. Amine, tu es l'aîné, je compte sur toi pour m'aider. Maintenant, laissez-la, retournez jouer dans votre chambre."</div></div><div><div style="text-align: justify;"><br />
</div></div><div><div style="text-align: justify;">A contrecœur, nous quittâmes le salon. L'étrangeté de cette réalité ne nous frappa pas réellement, nous ne nous posions pas de questions. Comme si Maman était simplement revenue d'un long voyage et qu'elle ne faisait que subir la fatigue du décalage horaire pour le moment. Nous retournâmes dans notre chambre jouer avec nos épées. Mais c'était bien moins drôle maintenant que nous savions qu'au fond, il ne fallait pas tant de courage que ça pour faire la guerre.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">La première nuit de Maman à la maison fut mouvementée. Du fond de nos lits nous l'entendions pleurer et crier, nous entendions Papa tenter de la calmer. Nour et moi mettions nos oreillers sur nos têtes. Le matin, en descendant à la cuisine, je vis Papa, les traits tirés et les cheveux désordonnés. Je le fixai en silence. Sans que je pose la moindre question, il me dit: "Tu sais Amine, ta mère est un peu désorientée pour le moment. Elle a vécu quelque chose que personne avant elle n'avait vécu, rien chez nous ne nous prépare à un tel bouleversement. Mais ça rentrera bien vite dans l'ordre, ne t'inquiète pas." Rétrospectivement, je pense que c'était autant lui que moi qu'il tentait de rassurer avec cette explication sommaire. Il prépara notre petit déjeuner, installa les couverts pour trois et nous attendîmes que Nour nous rejoigne. Nous déjeunâmes en silence, puis Papa disposa sur un plateau une assiette de tartines au beurre et à la confiture et une tasse de café, me demanda de m'occuper de la vaisselle et de mon frère et quitta la pièce. Peu après nous entendîmes la vaisselle se casser avec fracas sur le sol et de nouveau les pleurs de Maman. Nous ne la vîmes pas de la journée.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Elle passait l'essentiel de ses nuits à pleurer et l'essentiel de ses journées prostrée dans un mutisme interrompu que rarement par quelques marmonnement lourds de reproches à chaque fois qu'elle voyait Papa ("Comment as-tu pu m'arracher à là-bas, <i>juste pour ça</i>?"). Nous passions peu de temps avec Maman et elle était presque totalement indifférente à notre présence. Nour avait de plus en plus peur de ces moments de proximité artificielle et je devais de plus en plus user de force et d'autorité de grand frère pour l'y contraindre - du haut de mes neuf ans, je n'avais que trois ans de plus que lui, mais je me retrouvai progressivement presque seul à m'occuper de lui. Papa était d'humeur de plus en plus morose, et son front était barré en permanence par ces sillons horizontaux aussi profonds que son inquiétude. Il n'avait pas publié ses recherches sur le renversement de la mort comme il l'avait dit. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Un jour que nous étions tous au salon, Papa assis à même le sol en face de moi m'apprenant à jouer aux échecs, Nour allongé sur le fauteuil, concentré sur le pliage et le dépliage d'une feuille de papier jaune qui finirait par devenir un oiseau (comme dans le livre des <i>origami </i>qu'on avait à bibliothèque de l'école), Maman, qui était comme à son habitude assise sur une chaise en face de la fenêtre, le regard lourd et triste perdu dans le vague, se tourna vers moi. "Amine, viens mon coeur. Toi aussi, Nour, mon petit monstre.". C'était la première fois depuis son retour qu'elle s'adressait à nous, et pour dire vrai, j'étais je pense même très surpris qu'elle se souvienne de nos prénoms. C'était aussi la première fois qu'elle ressemblait à Maman <i>d'avant la mort</i>, avec sa voix tendre et chaleureuse, qui nous donnait envie de lui demander des berceuses et de s'endormir dans ses bras doux.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Nous nous levâmes et nous dirigeâmes vers elle. Ses lèvres et ses yeux dessinaient une expression lasse sur son visage. Elle se leva et, une main sur l'épaule de chacun d'entre nous, elle nous attira à elle et nous serra contre elle. Son corps était un peu plus froid que dans mon souvenir, mais qu'importe, nous étions là, comme des voyageurs du désert trouvant enfin une oasis ou se désaltérer, et nous lui rendions son étreinte. j'entourai mes bras au niveau de sa taille, et Nour au niveau du bas de ses hanches. Elle caressa nos cheveux, comme elle le faisait avant, et je me disais que peut-être comme Papa l'avait dit elle avait juste eu besoin de s'adapter et que maintenant elle était <i>vraiment </i>de retour. J'ai appris depuis à ne pas céder aussi rapidement et totalement à l'espoir. Elle dit: "Il faut comprendre les enfants ce n'est pas que je ne vous aime pas, je vous aime autant qu'avant, et j'aime votre père autant qu'avant. C'est juste si difficile quand on a vu ce qui se passait <i>après</i> de revenir supporter la vie ici. Même respirer est une douleur, et voir est une sensation presque insupportable, et résister à l'envie de repartir demande tellement de force, et ...". Elle se tut et me mit à pleurer doucement, très doucement, presque silencieusement. Nous restâmes ainsi un long moment, et quand je tournai la tête vers mon frère je voyais qu'il pleurait aussi. Papa nous rejoins et nous sépara délicatement de Maman. Il nous dit qu'elle avait besoin de dormir et qu'il l'emmenait dans sa chambre. Maman appuya sa tête sur son épaule et il la guida hors de la pièce avec sa main droite sur sa hanche. Cette nuit nous n'entendîmes ni pleurs ni cris.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Je ne pourrais pas dire que les choses allaient mieux, elles étaient simplement entrées dans une autre phase. D'un côté, Maman nous offrait de l'affection, faisait un effort pour s'intéresser à nos activités et n'opposait plus à Papa cette rancune des premiers temps, mais d'un autre il y avait toutes ces heures qu'elle passait avec Nour sur les genoux à lui raconter ce qu'il y avait <i>après </i>et à répondre à ses questions. Ils pleuraient ensemble ce paradis perdu, et j'étais d'autant plus inquiet de voir Nour, qui n'y était jamais allé, exprimer de plus en plus le souhait de s'y rendre. Il ne s'intéressait plus aux origami ni à aucun autre de ses jeux d'autrefois; il voulait en permanence jouer à cet étrange jeu de rôle qui consistait à se prendre pour un mourant qui découvrait progressivement ce nouveau monde de merveilles qui s'ouvrait à lui. Ses camarades de classe le fuyaient autant qu'il les fuyait - je voyais Papa, pétris de remords, assister impuissant à cette transformation. Papa changeait à vu d'oeil: il ne se rasait plus, ses vêtements, dans lesquels il flottait désormais, étaient rarement propres et repassés, ses mots se faisaient rares. Quant à moi, j'essayais au mieux de faire la sourde oreille aux descriptions de Maman. J'avais peur plus que tout de devenir comme elle une nostalgique de la mort. J'entrais progressivement dans la préadolescence et quelque chose en moi me criait que l'amour immodéré de la vie qui accompagne les quelques années qui allaient venir valaient à elles seules qu'on préserve intacte l'ignorance de la mort. </div><div style="text-align: justify;"><br />
C'était un dimanche après-midi d'hiver. Les flocons blancs tourbillonnaient autour des arbres et des maisons avant de venir s'échouer les uns sur les autres, recouvrant toute chose d'une étoffe souple et opaque. Il s'était écoulé plus de six mois depuis l'étrange recomposition de notre cercle familial. Maman était dans la cuisine. Il était rare qu'elle s'atèle à préparer un plat; les saveurs étaient devenues compliquées à accorder pour elle. Elle suivit de près la recette de cuisine d'un cake au citron, et après l'avoir enfourné, elle s'appliqua à dresser la table et faire du café pour elle et Papa et du lait chaud pour Nour et moi. Une fois le goûter prêt, elle nous appela et nous regarda tour à tour avec des yeux brillants lorsque nous fûmes tous réunis. Peut-être était-ce son humeur euphorique - réellement euphorique - qui m'alerta, ou alors l'amer arrière-goût de mon lait chaud. Toujours est-il que je me levai en sursaut de ma chaise, renversant le contenu de mon verre à moitié sur la table, pour crier à tous que Maman avait empoisonné le goûter, qu'elle voulait que nous mourrions tous ensemble. "Ne raconte pas n'importe quoi, Amine. Assieds-toi et finis ton assiette", m'ordonna sèchement mon père. Je levai un regard ébahi sur lui pour voir ses joues inondées de larmes, buvant son café à grosses gorgées entrecoupées de pleines bouchées de gâteau au citron. Nour, tout sourire, avait vidé son ver de lait d'un trait et Maman le lui remplit de nouveau, puis elle se resservit également du café. Les trois se regardaient comme des adversaires qui se jaugeaient mutuellement à une compétition du plus gros mangeur de goûter empoisonné. Il flottait visiblement entre eux une convention tacite pour m'ignorer au mieux.<br />
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Je sortis en courant de la cuisine, de la maison, et j'allai frapper chez Mlle Sibylle, la vieille voisine qui vivait avec un vieux chat presque aveugle. Dès qu'elle m'ouvrit je lui criais qu'ils étaient tous morts. Elle me fit entrer et je ne me souviens plus précisément de la suite des évènements. Je sais juste que quelques jours plus tard je me trouvais chez mon Oncle Fouad; j'allais vivre avec lui désormais, comme me l'avait expliqué cette femme des <i>services de l'enfance </i>qui m'amena chez lui. Je grandis parmi sa famille sans que nous n'abordâmes plus jamais la fin des miens.<br />
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Ce récit est la seule exception que je fis jamais à cette loi du silence: le lira peut-être quelque inconscient qui rêve, comme l'a rêvé un jour mon père, de renverser la mort.</div></div>Ineshttp://www.blogger.com/profile/14197345875144048395noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-7034734608274120115.post-86291832503493718782011-01-05T16:15:00.003+01:002011-01-06T23:12:47.804+01:00Ma décevante histoire de fantôme<div style="text-align: justify;">Chaque auteur a une histoire de fantôme qui lui est arrivée personnellement à raconter. D'ailleurs, c'est souvent un élément déclencheur d'une forme de névrose sur la mort qui le poursuivra tout au long de son activité littéraire. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">J'ai moi aussi mon histoire de fantôme, hélas bien moins spectaculaire que les romans de Stephen King et si éloignée du romantisme étrange des nouvelles de Lovecraft qu'au fond, elle est bien décevante. Quitte à croiser un revenant, autant que la rencontre ait une dimension nostalgique, philosophique ou poétique qui atténue la terreur légitime du vivant. Soit, trêve de vaines plaintes, voici mon histoire de fantôme - ou, plus exactement mon histoire de démon - telle qu'elle m'est arrivée, ou du moins telle que je m'en souviens.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">J'avais à l'époque, je pense, dix-neuf ans. J'étais étudiante de première année à la faculté de physique, préparant mes derniers examens avant l'entrée en deuxième. Je passais l'essentiel de mon temps à la bibliothèque de la section de physique; les initiés des lieux se souviendront de la double porte d'entrée en verre dans un cadre de bois située à quelques mètres de l'auditoire Stückelberg, des rangées de livres de part et d'autre du corridor central menant au local des bibliothécaires, où il y avait toujours cette grand échelle de bibliothèque roulante, de la salle de gauche où se trouvaient les livres de mécanique quantique, d'électromagnétisme et de mathématiques, de la salle de droite consacrée aux comptes rendus des symposiums, de l'ascenseur pour descendre à l'étage inférieur où étaient rangées les revues scientifiques. Dans cet espace, entre les étagères métalliques, les tables de travail en contreplaqué étaient le point d'attache de la plupart des apprentis physiciens débordés par la révision des cours et l'écriture des rapports de laboratoire. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Un soir d'octobre, la veille de mon oral d'algèbre en fait, je restai tard à la bibliothèque, maudissant le Professeur de la Harpe et tentant de donner un sens à la suite de symboles mathématiques sensés fournir une démonstration au théorème de Bolzano-Weierstrass. Je n'étais pas seule à réviser; nous étions cinq ou six, je ne me souviens plus. Je me rappelle en tout cas de la présence de Philippe, le très sérieux premier de classe, de l'irascible Jonathan, du très loquace Maurizio. Vers les 23 heures, j'eus besoin d'une pause. Je demandai autour de moi qui voulait s'arrêter un moment. Seul Maurizio eut envie de sortir un moment le nez des bouquins. Nous prîmes l'ascenseur et nous dirigeâmes vers le distributeur automatique. L'Ecole de Physique était plongée dans le noir; la bibliothèque formait l'unique îlot de lumière dans cet océan d'obscurité et de silence. Alors que je glissai ma pièce de deux francs dans la fente du distributeur, celle-ci glissa de mes mains et roula sur le sol; par son tintement je l'entendis dévaler quelques marches de l'escalier à notre droite. Impossible de voir où elle était tombée. Nous fouillâmes nos poches et ne trouvâmes aucune autre pièce. Maurizio se souvint avoir laissé dans sa veste un peu de monnaie et me dit de l'attendre le temps d'aller la chercher. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Alors qu'il repartait vers l'ascenseur, je promenais mon regard sur le hall dont je devinais les contours plus que je ne les voyais. Je me rendis bientôt compte qu'une lumière douce et jaune luisait au travers de la vitre translucide de la cabine de la réception. Je crus d'abord à une lampe oubliée, quand soudain je vis la lumière s'animer, où plus exactement s'animer une ombre découpée sur la lumière et projetée sur la vitre. C'était la silhouette d'une personne grande penchée en avant, semblant affairée à chercher quelque chose sur le dessus du guichet. Quand elle se redressa, je vis que sur sa tête, elle avait deux cornes, recourbées vers l'arrière, plutôt longues, au relief lisse. Je restai pétrifiée, complètement en proie à la panique. Je pense que la seule idée qui me soit venue, bien que je ne sois pas superstitieuse de nature, fut de me dire que mon heure était arrivée. Je vis l'ombre s'arrêter de chercher, et même au travers de la vitre qui nous séparait, je compris qu'elle me fixait. Cela dura peut-être une longue minute, puis l'ombre cornue sortit de son immobilité. Elle diminua de taille; elle se dirigeait vers le fond de la cabine, là où se situait la porte de sortie. La lumière jaune s'éteint et je ne vis plus rien. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">"Inès! Inès! Tu voulais le balisto c'est ça?". La voix de Maurizio, que je n'avais pas entendu revenir vers le distributeur, fit littéralement bondir mon coeur hors de ma poitrine. Une fois m'être remise de l'émotion et avoir essuyé quelques moqueries de mon ami, je me forçai à me retourner vers le distributeur. Alors que mon Kit Kat tombait dans le compartiment inférieur, nous entendîmes des pas derrière nous. Nous nous retournâmes en même temps pour voir apparaître la réceptionniste. Elle s'approcha de nous, tout sourire, comme à son habitude. C'était une charmante femme blonde d'une cinquantaine d'années, avec une coupe au carré et des lunettes sans cadre; une fort gentille personne avec un fort accent genevois.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">"Bonsoir les jeunes, encore ici à réviser?</div><div style="text-align: justify;">- Oui, oui., répondit Maurizio. Et vous, vous nous faites des heures supp',<i> </i>ou quoi?</div><div style="text-align: justify;">- Oh non. J'avais oublié mon porte-monnaie sur mon bureau, je suis revenue le chercher. Bon je vais y aller, bonnes révisions! Oh et vous mademoiselle il faudra un jour que vous m'expliquiez comment vous faites pour avoir les cheveux aussi joliment bouclés!", dit-elle en prenant entre les doigts une de mes mèches retombant sur mon front.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Elle se dirigea vers la porte de sortie et nous retournâmes à la bibliothèque. Au cours des quatre années suivantes, je voyais tous les jours la réceptionniste derrière son guichet. A chaque fois que j'entrais dans le hall, elle m'adressait un large sourire, qui, bien qu'objectivement paraissait tout ce qu'il y a de plus innocent, faisait courir un frisson le long de ma colonne vertébrale. Progressivement, une mèche de cheveux blancs apparût au milieu de mes boucles noires - exactement à l'endroit où la réceptionniste avait passé les doigts cette fameuse nuit. Aujourd'hui encore je ne sais pas si cette nuit j'ai rêvé la présence de ces cornes ou si je les ai réellement vues. La mèche blanche, quant à elle, je ne la teint jamais malgré son aspect inesthétique - c'est que peut-être elle est la seule preuve tangible que j'aie trouvée à opposer à l'hypothèse de la folie passagère dont pourraient m'accuser certains.</div>Ineshttp://www.blogger.com/profile/14197345875144048395noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-7034734608274120115.post-76722385048627010372010-12-31T18:16:00.000+01:002010-12-31T18:16:58.698+01:00Le passage d'une année à l'autre<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgYGCR4yKnzFH_tSfsO9amZWP-WnCVJMXTaLkEJsYz-z9Fn4DnoKI6rs1ldCjp3FCJ33DsJovqQmbCUWDg2HJvNMiw5FHeZcJMDWrzYopue3yzGcTB8RY_KV_0qkwYl6p9BTUOrE8JjkWGB/s1600/carouge+075.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="213" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgYGCR4yKnzFH_tSfsO9amZWP-WnCVJMXTaLkEJsYz-z9Fn4DnoKI6rs1ldCjp3FCJ33DsJovqQmbCUWDg2HJvNMiw5FHeZcJMDWrzYopue3yzGcTB8RY_KV_0qkwYl6p9BTUOrE8JjkWGB/s320/carouge+075.JPG" width="320" /></a></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Les fins d'années sont l'occasion des bilans en tous genres, des rétrospectives, des prévisions et des résolutions. Une année de plus à se promettre un nouveau départ, à se jurer de laisser le passé rester à sa place. Ce soir, comme à chaque 31 décembre, je me dirai certainement que les 365 derniers jours auraient pu être mieux utilisés, que le compteur tourne plus vite que je ne l'imaginais, et que trop de choses sont restées en chantier sans que j'y touche. En 12 mois, combien de fois aurais-je pu prendre le dessus sur la faiblesse de ma motivation? Combien de fois aurais-je du ne pas laisser l'occasion à mon coeur de se faire moins de mal à lui-même? </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Certaines des choses qui me sont arrivées en 2010 furent l'occasion de dialogues ubuesques, de situations douloureuses et je me pose encore la question de savoir comment elles ont pu se produire. D'autres choses furent joyeuses et m'ont apporté le sentiment que <i>la vie valait la peine d'être vécue. </i>Parfois souffrir pour apprendre, parfois rire pour oublier. Et de temps en temps, c'était même l'inverse. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Dans les pleins et les creux au fil des semaines, les coups de coeur ont côtoyé les coups de gueule, et si parfois les larmes sont venues inonder mes joues, elles n'ont pas toujours été de tristesse, car quand on a la chance d'aimer et d'être aimée, quand on est entouré d'une famille liée à toute épreuve et d'amis indulgents au-delà de toute mesure, les beaux moments se multiplient, redonnant le sourire même à la plus mélancolique des âmes. Des minutes précieuses que j'aime à rejouer encore aujourd'hui derrière mes paupières closes. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Dans tout ce qui a pu arriver au cours de cette année, les mots m'ont souvent accompagnée. Ils m'ont tour à tour permis de confesser ou d'inventer, de romancer ou de réaliser. Avec un vocabulaire parfois approximatif, une grammaire malhabile et une imagination pas très riche, certes. </div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Et il me tarde de récidiver en 2011.</div>Ineshttp://www.blogger.com/profile/14197345875144048395noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-7034734608274120115.post-44493828376196576962010-12-09T09:34:00.012+01:002010-12-12T08:51:55.355+01:00Lumière de ville<div style="text-align: justify;"><a onblur="try {parent.deselectBloggerImageGracefully();} catch(e) {}" href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiiJ753RS3mYDyDczvZsD0XOlycQ2dFhJ1t0LJ9LL_iwJ1YAtARvgrh4X0hu_O-vVQxU0i5M8p5sBSnuqow7a_zlbHDlEqWxoj27Nx5_d1uJX7slK5gU7sk4TM84C0Lsu8e6XFQae-KKu-K/s1600/bokeh+080.JPG"><img style="margin: 0px auto 10px; display: block; text-align: center; cursor: pointer; width: 400px; height: 267px;" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiiJ753RS3mYDyDczvZsD0XOlycQ2dFhJ1t0LJ9LL_iwJ1YAtARvgrh4X0hu_O-vVQxU0i5M8p5sBSnuqow7a_zlbHDlEqWxoj27Nx5_d1uJX7slK5gU7sk4TM84C0Lsu8e6XFQae-KKu-K/s400/bokeh+080.JPG" alt="" id="BLOGGER_PHOTO_ID_5548601152880972626" border="0" /></a><br /></div><div><div style="text-align: justify;">A une époque, aujourd'hui révolue, la contemplation des étoiles suffisait à mon bonheur. Je voyageais sur les vagues célestes de mon esprit pour me retrouver là, dans le coeur de toute chose, à toucher les infinis du bout des doigts. Les années ont passé, et je ne savais plus être heureuse. Je ne levais plus les yeux au ciel; j'avais perdu l'accès à mon jardin stellaire, et le voir s'étaler sur sa demi-sphère, inchangé comme indifférent à ma souffrance, m'était insupportable.<br /></div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Il est étrange de constater que lorsque nous baignons encore dans l'insouciance des jeunes âges de nos vies, le bonheur est un état si instinctif, si simple, que nous ne pensons jamais à en décortiquer le fonctionnement, à tenter de se souvenir du chemin qui y mène. Et lorsque la première perte arrive, étape inévitable des existences, nous nous retrouvons désemparés, nous arborons cet air hébété des victimes des catastrophes naturelles inattendues, dont la maison a été balayée en un instant, réduisant à néant le point d'encrage des destins qu'elle abritait.</div></div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Nous ne sentons plus jamais l'odeur du premier paradis perdu, aussi fort que nous essayons. Les lignes écrites sur cette quête, mises bout à bout, pourraient faire le tour du système solaire. L'absolu ne meurt qu'une fois. Pâles substituts, l'art, l'amour et <i>l'expérience de vie </i>viennent pauvrement consoler nos coeurs endeuillés. Nous nous dupons parfois à croire que nous avons réussi à découvrir d'autres Eden qui égalent en félicité celui d'origine. Pendant de bref instants nous croyons <i>vraiment </i>à ce mensonge, mécanisme de défense instinctif et salutaire.</div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;"><i>Et c'est parce que l'espace d'une seconde je réussis à confondre les lumières des villes piégées dans le boîtier de mon appareil avec de véritables étoiles, que je les aime, et que je passe mes nuits à les chasser.</i></div>Ineshttp://www.blogger.com/profile/14197345875144048395noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-7034734608274120115.post-7913879741074290702010-12-02T23:39:00.009+01:002010-12-04T08:28:58.845+01:00Les couleurs oubliées<a onblur="try {parent.deselectBloggerImageGracefully();} catch(e) {}" href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiXMG-xhm6hPTMuiZZVMXyfTMhNpefgjSFWMYo7IDvw44XDRxfISh8xM5F2xgRrhQ-vPvIKNGMxUxSoCC1OUPAj8P4ENnkCb2Uwgg6Q18E70_q1ZbxaI2KtxD5qn9pvu7g8vp-2A0pO5YOh/s1600/2010-11-27+premiere_neige.jpg"><img style="text-align: justify;display: block; margin-top: 0px; margin-right: auto; margin-bottom: 10px; margin-left: auto; cursor: pointer; width: 400px; height: 283px; " src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiXMG-xhm6hPTMuiZZVMXyfTMhNpefgjSFWMYo7IDvw44XDRxfISh8xM5F2xgRrhQ-vPvIKNGMxUxSoCC1OUPAj8P4ENnkCb2Uwgg6Q18E70_q1ZbxaI2KtxD5qn9pvu7g8vp-2A0pO5YOh/s400/2010-11-27+premiere_neige.jpg" border="0" alt="" id="BLOGGER_PHOTO_ID_5546223080937228482" /></a><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">A force de voir le monde en noir et gris, j'avais oublié à quoi ressemblaient les couleurs. Les années passées à ne regarder qu'à travers un rideau de larmes avaient creusé de profonds sillons dans ma mémoire, abîmant au passage les souvenirs sensoriels les plus vifs. Je me sentais comme amputée d'un membre. Un jour, je commençai à sortir de ce puits sans lumière que nous nommons <i>dépression</i>. Chaque jour, guérir, c'était aussi réapprendre à vivre, à ressentir, à voir ce de quoi je m'étais coupée. Comme une enfant qui découvre le monde, comme une deuxième naissance. Non. Pas <i>comme </i>une deuxième naissance; <i>c'est </i>une deuxième naissance. J'ai senti mes facultés intellectuelles revenir, mes réflexions gagner en acuité, ma mémoire cesser de se faire submerger par le passé à en oublier le présent; mes yeux ont revu les couleurs. </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">La force de cette expérience fut si forte, l'éclat des images était si grand, que je me laissai emporter par ce flux d'émotions, que je décollai et perdis contact avec la terre ferme. Rire, courir, danser à la cadence effrénée du monde m'occupaient trop pour que les contraintes de la vie viennent me rappeler à l'ordre. Redescendre de ce nuage rose fut un peu douloureux, car se retenir de se jeter à corps perdu dans la vie qui cesse de nous sembler hostile quand on a passer des années à ne pas parvenir à vivre, cela semble injuste. </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Le challenge fut de revenir vers des fonctionnements plus raisonnables, sans pour autant perdre l'émerveillement qui nous saisit lors de la redécouverte des couleurs oubliées. De savoir cadrer l'euphorie par la pondération. Le plus difficile dans cet apprentissage de la modération fut d'accepter que les affaires sentimentales n'échappaient pas à cette règle. La "normalité" n'est pas aux amours à 200%; il est peu fréquent de tomber sur des personnes qui comme nous "ex-dépressifs-apprentis-de-la-vie-normale" aiment en brûlant la chandelle par les deux bouts. Pour être franche, on n'apprend jamais à venir à une autre façon d'aimer, moins intense, plus "adulte"; jamais. Je n'ai fait, pour le moment, que le strict nécessaire pour ne pas charger sur les épaules des êtres aimés l'excédent de poids de mon amour trop immense pour que je le porte seule: me donner la carrure nécessaire pour porter les sentiments, car il ne s'agit pas de les amenuiser, mais bien que moi je sache bouger tout en les portant. Je m'imagine comme une drôle de fourmi qui n'a appris que tardivement à marcher avec sur le dos des miettes de pain qui font cent fois son volume.</div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Au fond de moi, je suis consciente qu'il pourrait m'arriver d'oublier une fois encore les couleurs, de revenir à la vision noire et grise du monde. Alors je profite des couleurs, je les inscris dans mon esprit; car un jour, ces souvenirs pourraient être une bouée de sauvetage en mer de désespoir, m'empêchant de couler en me portant sur le rivage. La différence entre la vie et la mort tient peut-être à des choses aussi infimes que cela.</div>Ineshttp://www.blogger.com/profile/14197345875144048395noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-7034734608274120115.post-90655256814633824062010-11-28T04:01:00.004+01:002010-11-30T16:01:15.048+01:00My Nights and Lights<div><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjKlZuEzH9GaOY9jR6Jgf9At5iyIi6cQAGNHr3yGvpwmjiheokdz_uNuPxK5rpYAU4JHD1_p19GXPXFU8gsQmXjMpYY-A8M5o309h1PorTN497OZUfK-Kx266qj5R_lL1cKwsDIN0sXrtEJ/s1600/neige2+136.JPG"><img style="TEXT-ALIGN: center; MARGIN: 0px auto 10px; WIDTH: 400px; DISPLAY: block; HEIGHT: 267px; CURSOR: hand" id="BLOGGER_PHOTO_ID_5544431275544125218" border="0" alt="" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjKlZuEzH9GaOY9jR6Jgf9At5iyIi6cQAGNHr3yGvpwmjiheokdz_uNuPxK5rpYAU4JHD1_p19GXPXFU8gsQmXjMpYY-A8M5o309h1PorTN497OZUfK-Kx266qj5R_lL1cKwsDIN0sXrtEJ/s400/neige2+136.JPG" /></a><br /><div style="text-align: justify;">Il a neigé. Il neige encore. Malgré le froid je sors marcher. C'est qu'il fait nuit maintenant, et j'ai besoin de m'évader à l'autre bout de moi-même. Les flocons cotonneux flottent autour de moi alors que j'avance, et je sens la neige poudreuse crisser lorsqu'elle se tasse sous chacun de mes pas. Je marche ainsi pendant plus d'une heure, presque sans dévier d'une ligne droite. Et je m'arrête, et pendant quelques instants je suis des yeux l'ascension des nuages embués que j'expire, avant de regarder autour de moi. Je ne sais pas où je me trouve. Sous ce manteau blanc je n'arrive pas à discerner le moindre détail familier. Je pourrais revenir sur mes pas, mais je n'en ai pas envie. Cet endroit inconnu attire l'envie de vide et d'oubli à l'intérieur de moi. </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Je m'allonge dans la neige, le dos collé à même le sol. Malgré les frissons qui me parcourent, mon coeur me chauffe. Je me laisse aller à ce bien-être, à la limite de la torpeur. Le ciel noir est piqué d'étoiles scintillantes. Les constellations d'hiver sont les seuls habitants de mon horizon. Alors que je dessine mentalement les contours du chasseur Orion, un des trois joyaux de sa ceinture se décroche, tombe et finit sa course dans la neige non loin de moi dans un bruit sourd. Avant que j'aie le temps de me redresser, la deuxième et la troisième des étoiles de la ceinture d'Orion tombent également, suivies de près par la rouge Bételgeuse et la bleue Rigel. Ebahie, je scrute le ciel: d'autres étoiles vont-elles nous tomber dessus? L'éternel couple Mizar et Alcor quitte leur constellation, et le reste des étoiles de la Grande Ourse les suivent. Puis c'est au tour de Cassiopée et de Persée, et la chute des étoiles s'accélère. Elles tombent elles tombent, et elles atterrissent tout autour de moi, dans la neige blanche. </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Le ciel se vide, et bientôt l'étoile polaire, la dernière qui restait en place, suit ses soeurs. Le firmament est un monochrome noir, sans plus aucun éclat pour le rehausser. L'abîme profond qui me surplombe m'emplit de terreur. Je ferme les yeux pour le fuir, pour tenter de l'ignorer. Au bout de quelques minutes, je prend conscience d'une étrange chaleur qui m'entoure, qui me colle tant à la peau que la sueur perle de mon front et le long de mon dos. J'ouvre les yeux lentement pour voir des centaines de sphères lumineuses flottant tout autour de moi, décrivant des petits mouvements hasardeux un peu comme des poissons dans un aquarium. Les sphères sont de taille variable, certaines sont jaunes, d'autres rouges ou bleues. Toutes les étoiles sont venues reconstituer une galaxie, ici, sous mes yeux. Je lève la main pour saisir une sphère rouge orangé palpitante - serait-ce Mira? - mais elle me fuit, va se cacher derrière un petit troupeau serré de sphères naines. Lorsque je baisse le bras, elle revient lentement, comme timidement. </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Au bout d'un long moment à les observer, je remarque que ma galaxie enfle et désenfle au rythme de mes respirations. Comment comprendre cette connexion entre moi et toutes les étoiles du cosmos? Je me lève et remonte mon chemin en suivant les traces de pas qui m'ont amenés dans ce lieu peut-être magique; les astres me suivent. Au fur et à mesure que j'avance, je replonge dans mes idées et oublie petit à petit ma galaxie. Je pense alors à toi, et la douleur me mange à nouveau, mon coeur est pris dans un étau, compressé au point d'imploser. Et quand la première larme coule du coin de mon oeil, ma kyrielle de soleils brûlants s'approche au plus près de moi, et le mouvement d'ensemble décrit une orbite circulaire, de plus en plus serrée, de plus en plus rapide. Les étoiles parfois entrent en collisions les unes contres les autres, se déchirent ou fusionnent. Et une à une, elles se projettent à grande vitesse sur moi, au niveau de ma poitrine, mais au lieu de me percuter violemment, elles <i>entrent </i>en moi comme si j'étais un fantôme, et n'en ressortent plus. Leur chaleur, leur éclat, tout a disparu en moi. De ma douleur, j'ai réussi à assombrir toutes les lumières de l'Univers.</div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;"><i>Car mon coeur est un trou noir; qui y entre n'en sort pas. Et si je ne peux t'avoir à mes côtés, si je suis obligée de ne vivre qu'avec ton souvenir au fond de moi, je dépeuplerai le ciel nocturne pour donner à ce fragment d'image qui me reste une galaxie entière pour continuer à y vivre.</i></div><div style="text-align: justify;"><i><br /></i></div><div style="text-align: justify;">Je ne retrouvai jamais le chemin jusque chez moi, je continue encore à errer dans la neige...</div><div></div></div>Ineshttp://www.blogger.com/profile/14197345875144048395noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-7034734608274120115.post-87460032985548047552010-11-22T10:56:00.034+01:002010-11-27T08:22:47.764+01:00Avatar onirique<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgwRYnK97jMFY-r-ZiDuNtgoSEAdJ1gBGTmsQPTeVzjo2Aksy-VcfF0af3b4V0laVgHW_i9S07zoppyPS1P4JTKCGp7LL1jDub0khv-PYZi0771DiEGYB1U-el8MHvIwDqtA1ibNj4CpAS7/s1600/vallorbe+014.JPG"><img style="TEXT-ALIGN: center; MARGIN: 0px auto 10px; WIDTH: 400px; DISPLAY: block; HEIGHT: 267px; CURSOR: hand" id="BLOGGER_PHOTO_ID_5543877618751308386" border="0" alt="" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgwRYnK97jMFY-r-ZiDuNtgoSEAdJ1gBGTmsQPTeVzjo2Aksy-VcfF0af3b4V0laVgHW_i9S07zoppyPS1P4JTKCGp7LL1jDub0khv-PYZi0771DiEGYB1U-el8MHvIwDqtA1ibNj4CpAS7/s400/vallorbe+014.JPG" /></a><br /><div align="justify">Je me souviens de cette année que j'ai passée à dormir. Hypersomnie. Mon corps, gagné par une anesthésie implacable, ne m'appartenait plus, ne répondait plus. Mon esprit, lui, se démenait comme un otage ligoté et caché dans le coffre d'une voiture à l'arrêt, abandonnée au bord d'une route désertée; il avait beau crier, personne n'était là pour l'entendre. Mais était-ce réellement le coffre d'une voiture ou était-ce un cerceuil? Je n'en sais rien. Ma vie s'est résumée au sommeil, et les rêves sont devenus plus réels que ma réalité. Etait-ce parce que mes sens étaient endormis que je ne percevais plus très bien le monde extérieur, ou était-ce parce que confinée dans une enveloppe inerte que les sensations intérieures ont décuplé d'intensité? Je n'en sais rien.</div><br /><p align="justify">Les personnages de mes rêves étaient les compagnons fidèles de cette année hypersomniaque. Aujourd'hui encore, je les considère être parmi mes meilleurs amis. Je vous vois venir - <em>Inès a-t-elle perdu la tête pour nous parler de ses amis imaginaires?. </em>Soit, admettons que j'aie perdu la tête; il est conseillé de laisser au fou l'occasion d'exprimer son délire - hochez donc la tête d'un air compréhensif et compatissant. Oui, les personnages de mes rêves ont été mes fidèles compagnons. Il en est que je n'ai croisé qu'une fois, et qui m'ont néanmoins laissé une vive impression: c'était le cas par exemple de ce vieux bonhomme édenté au regard espiègle de garnement turbulent. Certains étaient récurrents et une sorte de familiarité s'était installée entre nous au fil du temps, ce qui nous donnait le droit de nous tutoyer et de prendre des nouvelles à l'occasion: je ne manquais jamais de partager un brin de conversation avec la charmante hôtesse d'accueil de l'hôtel dans lequel j'avais habitude de descendre à chacun de mes séjours néptuniens. Et il y en avait un qui était omniprésent.</p><br /><p align="justify">Je ne saurais dire si j'ai pris conscience de sa présence dans mes rêves que depuis mon année hypersomniaque, ou si je l'ai toujours su, sans que j'en garde le moindre souvenir diurne. Toujours est-il que sa présence discrète mais continue dans mes songes devint un élément rassurant de mes longues heures de sommeil. Je l'aperçus une première fois alors que je me frayais un chemin dans une foule dense d'êtres tous semblebles, tous vêtus de gris et de noir, marchant tous dans la même direction, la direction opposée à la mienne; il se cachait derrière les silhouettes en mouvement si habilement que je ne pus voir précisément ses traits. Je ne retenus de lui que son habit d'une blancheur éclatante. Les nuits suivantes, je ne fis toujours que surprendre un mouvement, une ombre furtive ou un bruit léger comme un tissu qui se froisse. Il se dérobait toujours à temps pour que je ne puisse voir son visage. Bien que son attitude me décontenançait, je savais d'instinct que je n'avais rien à craindre de cet inconnu.</p><br /><p align="justify">Un soir, isolée dans ma tristesse, murée dans ma mollesse hypersomniaque, je m'endormis d'un sommeil si subit que je n'en avais pas eu le temps de me déshabiller avant de me coucher. Je tombai dans le monde de mes rêves par une chute aussi vertigineuse que celle qui mena Alice au Pays des Merveilles. J'heurtai le sol dur bruyamment. Il faisait noir. Il n'avait jamais fait noir dans mes rêves. Je me relevai pour parcourir l'espace à tatons, je n'y trouvai que des murs, sans aucune issue. Je ne sus que faire. Je m'assis pour attendre, convaincue de devoir mourir ici, ou d'y être déjà morte, condamnée à une éternité sans lueur. Le désespoir le plus noir me gagnait, alors que j'énumérais mentalement les regrets et les remords d'une vie à peine à moitié vécue, presque totalement passée dans un lit à dormir et à pleurer. Je tremblais de froid dans cette obscurité chargée d'humidité et de silence. Au bout de ce qui me sembla de longues heures, je me rappelai la silhouette vêtue de blanc qui me suivait partout dans mes songes. Etait-ce possible qu'elle m'ait suivie jusqu'ici? A peine eus-je formulé la question en pensée, qu'un murmure me caressa l'oreille: <em>Oui, je suis ici, j'ai toujours été ici. </em></p><br /><p align="justify">Je ne sursautai pas de cette voix inattendue répondant à une question que je n'avais même pas formulée, cette voix qui me sembla connue sans que je ne l'aie pourtant jamais entendue. Je tournai la tête vers la direction d'où était venu le son. </p><br /><div align="justify">- Me suivez-vous dans mes rêves, ou faites-vous partie de mes rêves?</div><div align="justify">- Je suis votre avatar onirique tout comme vous êtes mon avatar effectif. Nous sommes les deux faces d'une seule et même pièce.</div><div align="justify">- Pourquoi n'ai-je commencé à vous voir vu que récemment si nous ne sommes qu'un?</div><div align="justify">- Vous passez trop de temps dans la même moitié de notre terre commune: vous penchez plus vers le sommeil que vers la veille.</div><div align="justify">- Je n'arrive pas à combattre. Je suis si fatiguée...</div><div align="justify">- Je le sais, je suis aussi si fatigué... parfois, je nous sens mourir.<br />- Je ne me sens pas la force de vivre. Peut-être suis-je dans le fond de ce puits noir pour m'allonger dans le froid et attendre la fin. </div><div align="justify">- Non. Nous sommes ici parce que de votre veille, vous ne laissez pas la vie vous atteindre et laissez votre corps mort-vivant devenir le rempart qui vous sépare de votre destin.<br />- Je ne crois pas avoir de destin à accomplir.</div><div align="justify">- Le destin est le nom que nous donnons à l'ensemble des fins fils qui relient les rêves aux réalités. C'est une interdépendance. Aucune réalité n'existe sans rêve pour avoir influencé sa naissance; et inversement.</div><div align="justify">- Comment puis-je nous empêcher de mourir?<br />- Vivez votre réalité. Cessez de la craindre et de la fuire dans votre sommeil. Battez-vous contre ce qui vous lie les mains. Laissez votre corps ressentir le monde qui l'entoure. Cessez de ne pas croire en vos ambitions, jetez-vous à corps perdu dans vos projets. Ne vivez pas à moitié, vivez; n'aimez pas à moitié, aimez. </div><div align="justify"><br /></div><div align="justify">Je tendis les bras. Je le trouvai. Je l'étreignis. Il m'étreignit. Mes tremblements diminuèrent d'intensité, le froid avait de moins en moins prise sur moi. Lorsque je cessai de trembler totalement, je me rendis compte que <em>lui </em>par contre tremblait si fort que son corps semblait gouverné totalement par des vagues sismiques aléatoires. Je voulus calmer ses tremblements, mais je ne savais comment faire. Je voulus le serrer contre moi plus fort, mais mes bras ne se refermèrent autour de rien. Il avait disparu. </div><div align="justify"><br /></div><div align="justify">Je me retrouvai seule dans ce puits noir, mais je n'avais plus froid et je n'avais plus peur, et je profitai du doux silence de cette nuit pour projeter sur les parois de pierre le film de mes joies d'enfant dont j'ignorais jusque là me rappeler avec autant d'acuité. Les lumières et les rires emplirent l'obscurité, et je laissai mon imagination resculpter le paysage, en un sublime jardin de fleurs multicolores. Je peuplai le jardin avec mes souvenirs et les êtres aimés, y compris ceux que j'avais perdu. J'esquissai des contours en l'air avec les dix doigts et je vis sous mes yeux se matérialiser des nouveaux êtres que je ne connaissais pas encore, des scènes que je n'avais pas encore vécues. J'étais là au milieu de mes amours passés et de mes amours futurs, entre mes anciennes victoires et mes succès à venir; j'étais là à regarder mes futurs enfants jouer avec mes ascendants décédés, à surveiller du coin de l'oeil cet homme qui n'était pas encore entré dans ma vie mais que j'aimais déjà plus que moi-même. Son regard fait de deux diamants noirs croisa le mien, et nous échangeâmes un sourire, avec l'assurance de bientôt nous trouver dans nos réalités respectives, ou plutôt de nous retrouver enfin. Je me tenais debout entre le passé et le futur, j'étais le point pivot de mon destin.</div><div align="justify"><br /></div><div align="justify">Au loin j'aperçus le jeune homme, mon avatar onirique. Pour la première fois je vis son visage: il me ressemblait tant qu'il ne pouvait être que mon jumeau. Il leva haut la main, l'agita brièvement comme pour me saluer, m'adressa un clin d'oeil entendu avant de disparaître derrière l'arbre le plus proche. Il avait toujours été là et sera toujours là, et il était gardien de mes rêves comme j'étais gardienne de ses veilles. </div><div align="justify"><br /></div><div align="justify">Je m'allongeai dans l'herbe verte, aux brins hauts et délicieusement odorants. Je me laissai gagner par la torpeur et je glissai lentement, lentement.... vers le réveil dans ma réalité, dans mon lit, dans ma chambre.</div>Ineshttp://www.blogger.com/profile/14197345875144048395noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-7034734608274120115.post-83779299608125487232010-11-21T08:55:00.005+01:002010-12-12T01:08:44.209+01:00La vallée de larmes<div align="justify">Ici. A la frontière entre ton indifférence et ma colère, ici je me tiens, seule dans ce désert de sel. Cette zone oubliée par le soleil s'étend au-delà de l'horizon, et le silence n'est rompu que par le crépitement du sol qui s'effrite sous mes pas. Un larme naît au coin de mon oeil, s'alourdit à la pointe d'un de mes cils. Elle roule sur ma joue et s'arrête le temps d'une respiration sur mon menton, avant de se laisser tomber et venir mourir contre la terre. L'éclaboussure humide forme une tache sombre sur un fond blanc.</div><div align="justify"> </div><div align="justify">Les larmes se suivent, empruntent le chemin tracé par la première. L'éclaboussure grandit. Les gouttes se fondent progressivement en une petite flaque; la flaque devient une mare, et la mare s'étend jusqu'à devenir une mer infinie. J'ai les chevilles caressées par les remous froissés de la surface d'eau salée. Chaque larme élève le niveau de la mer. Au moment où elle atteint mon menton, je me souviens: chaque jour, chaque heure, je revis cette mort, et je la revivrai encore, encore, encore. Déluge de pleurs, sécheresse saline, ma vie se reduit donc uniquement à ce cycle perpétuel?</div><div align="justify"> </div><div align="justify"><em>Notre amour est une vallée de larmes et je m'y noie.</em></div>Ineshttp://www.blogger.com/profile/14197345875144048395noreply@blogger.com0